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céder qu’on se décida à faire sortir par derrière un groupe d’agens qui réussit à déblayer le terrain.

Ce spectacle odieux n’a pas tardé à faire sur l’opinion publique une impression salutaire : les étudians d’abord, par des déclarations énergiques, émanant de la seule association qui ait quelque titre pour les représenter, tinrent à se dégager hautement de toute promiscuité avec les gredins qui cherchaient à les compromettre ; puis le premier ministre que, dans une circonstance toute récente, — lors des ordres contradictoires donnés au préfet de Seine-et-Oise, M. Bargeton, pour son assistance au banquet Hoche, — nous avions eu le regret de trouver affreusement indécis, et rappelant ce personnage qui


 Changeait de dessein comme on change d’habit ;
Mais il fallait toujours que le dernier se fît,…


se montra cette fois plus déterminé. M. Dupuy tint à la chambre le langage d’un chef de gouvernement ; la chambre tout entière l’entendit. L’opposition de droite, par exemple, tint à honneur de protester ostensiblement contre l’attitude d’un de ses membres, peu au courant de la valeur du silence, qui cherchait à envenimer la question.

Dès le surlendemain la garde républicaine, assistée des troupes de ligne qu’on avait fait soi tir de leurs casernes, circulait librement dans les rues pacifiées. Il avait suffi de l’annonce d’une répression sérieuse, pour que cette portion malsaine, lie ou écume du peuple, rentrât dans le repos, et se séparât de la masse parisienne, à laquelle toute fermentation passagère a pour effet de la mélanger.

Cette première semaine de juillet commandait au pouvoir une attitude d’autant plus ferme, qu’elle coïncidait avec l’expiration du délai d’un mois, donné au comité directeur de la Bourse du travail et aux syndicats y installés, pour se soumettre à la loi. Une pareille mise en demeure, après l’accueil provocateur qu’elle avait reçu des intéressés, n’aurait pu rester lettre morte sans que le gouvernement fût couvert lui-même de confusion à la face de la France. Cependant il était à craindre que les corporations, illégalement constituées, profitassent de l’effervescence ambiante pour créer un courant en leur faveur et amener de nouveaux troubles. Le ministre de l’intérieur avait commencé par leur couper les vivres, en interdisant le paiement de la subvention mensuelle que le conseil municipal allouait à ces syndicats avec les fonds des contribuables parisiens. Il a achevé son œuvre de répression, avec l’approbation de la chambre, en faisant évacuer manu militari le bâtiment de cette Bourse qui n’avait du travail que le nom ; montrant ainsi, quelques jours avant l’anniversaire du 14 juillet, que si la France fête la démolition de la Bastille, pour symboliser en somme