Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Gâma El-Azar, fondée par Gower-el-Kaïd en 359 de l’hégire (969 de notre ère), donnait à l’origine un enseignement qui embrassait l’encyclopédie musulmane, théologie, droit canon et civil, grammaire, mathématiques. Aujourd’hui, le Coran, la tradition, le droit sont les seules matières de cet enseignement ; chaque professeur explique un livre du Coran, toujours le même. Quand il juge un de ses élèves assez docte sur ce livre, le maître certifie son opinion en apposant son cachet sur l’exemplaire manuscrit dudit élève et l’envoie au cours suivant. Les chaires possèdent un revenu variant de 30 à 300 piastres par mois (8 à 80 francs). L’élection d’un certain nombre de professeurs est remise au suffrage commun. Un étudiant se fait remarquer par ses condisciples, dans les groupes du parvis ; il s’attache quelques admirateurs ; un jour, quand il se sent assez sûr de lui, il entre dans la mosquée, s’accroupit au milieu de ses fidèles et enseigne. On le laisse faire. Si le cercle se disperse, c’est que le professeur n’est pas pris au sérieux ; sa tentative avorte, il retourne dans la cour. Si les auditeurs augmentent, les cheiks s’approchent peu à peu, écoutent, interrogent, collent le débutant ; se tire-t-il de l’épreuve à son honneur, les cheiks de première classe, qui forment le conseil universitaire, le reçoivent professeur. Quelques maîtres sont nommés aux chaires fondamentales par le ministre, sur la présentation du conseil.

Le chiffre des étudians inscrits était, il y a quinze ans, de 11,300. Leur âge variait entre cinq et soixante-dix ans. Des vieillards restent là jusqu’à leur mort, pour toucher la distribution de vivres. Les étudians se divisent en trente-deux rikât ou langues, selon leur nationalité. Langues des Algériens, des Moghrebins, des Abyssins, des gens du Darfour et de l’Afrique centrale, des Hindous, des Bokhariotes, des Javanais d’Atchin… Chaque rikât a sa dotation spéciale, qui subvient aux distributions de pain, de lentilles, de vêtemens. Le rikât des Barabrâ, qui habitent vers les cataractes du Nil, a droit aux miettes des autres ; on réunit pour lui dans la cour tous les rogatons qui traînent. Il y a aussi la chapelle des aveugles, Zawiet el Omiân, une des plus anciennes parties de l’édifice, fréquentée par 322 étudians privés de la vue. Des logettes sur le pourtour de la mosquée sont affectées aux divers rikât, aux coffres qui renferment les manuscrits et les hardes. Sur les 11,000 étudians, plus de 4,000 n’ont d’autre logis et d’autre couche que les nattes d’El-Azar ; le reste gîte dans les taudis de l’enceinte privilégiée, sous la surveillance du cheik qui a la police de la mosquée. Pour les grandes chaires, le titulaire actuel peut se rattacher, par une tradition ininterrompue, aux Ansar, compa-