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les phoques allaient disparaître des îles Saint-Paul et Saint-George, comme ils avaient disparu de l’archipel du Commandant, défendirent aux pêcheurs l’approche des îles Pribylov. La chasse recommença en 1810, trop tôt encore, car les résultats en furent presque nuls. En 1834, nouvelle défense. Cette prohibition dura sept ans, après quoi les phoques commencèrent à reparaître en troupes si compactes que, progressivement, de 1867 à 1889, il en lut tué annuellement plus de 100,000.

Le repeuplement se fit à la suite de l’idée qu’eurent les Russes d’étudier les mœurs des phoques. Ayant reconnu que ces animaux étaient polygames au plus haut degré, ils ne laissèrent la vie qu’à un nombre restreint de mâles ; ils préservèrent du massacre les femelles sans exception, vouant à la mort tous les phoques célibataires. Lorsque, en 1867, ils cédèrent Saint-Paul et Saint-George aux États-Unis, la masse des phoques était aussi compacte qu’au temps où le baleinier Pribylov découvrit leurs repaires. Ce navigateur a raconté qu’en arrivant au milieu de la nuit près de ces îles dont il ne soupçonnait même pas le voisinage, il entendit un bruit aussi terrifiant que celui du Niagara à sa chute. Lorsque le brouillard se dissipa aux premières lueurs du jour, il se rendit compte du phénomène en voyant des lions de mer et des phoques s’ébattre et rugir autour de son navire en quantités innombrables.

Les États-Unis, en devenant acquéreurs des îles Pribylov, montrèrent pendant la première année de leur possession la même insouciance que les Russes lorsqu’ils découvrirent celles de Behring et de Cooper. Leurs droits n’étant pas sans doute bien connus, des pêcheurs de nationalités diverses, mais Anglo-Américains pour la plupart, assaillirent les phoques et en abattirent 240,000 en une seule expédition. Un second massacre allait se produire, quand les Américains firent défense de chasser tout animal vivant sur les territoires qu’ils venaient d’acquérir. Les bateaux surpris en chasse dans les eaux d’Alaska devaient être saisis et capturés par leurs croiseurs. Et, comme l’exploitation directe des phoques n’était guère possible pour un gouvernement, le président des États-Unis la céda à une compagnie qui ne recula pas devant le paiement annuel de 300,000 dollars, plus une taxe frappant tout animal capturé. L’affaire était fort avantageuse pour les États-Unis ; elle n’était pas moins productive pour les Anglais, car Londres est, comme pour beaucoup d’autres produits, le marché des peaux par excellence ; des milliers d’ouvriers y gagnent à ce trafic un plantureux bien-être.

De 1867 à 1889, les locataires des pêcheries abattirent