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indemnités formidables. Elle a préféré un arbitrage qui décidera si ses bâtimens avaient, oui ou non, un droit de pêche dans les mers avoisinant l’Océan-Glacial arctique.

C’est à Paris, au quai d’Orsay, dans un des plus élégans salons du ministère des affaires étrangères, que la question s’élucide. Nulle solution à un différend fort grave ne pouvait être plus pacifique : ce n’est pas nous qui en témoignerons du regret. Comment ne pas en effet se dire que c’est de cette façon si simple que devraient se trancher les contestations entre nations qui se disent civilisées et chrétiennes. Qu’elles aient désormais recours à l’arbitrage, et alors, quelle transformation en Europe où il n’est plus un peuple qui ne ploie sous les charges militaires, où il n’est pas un adolescent sur qui ne pèse l’obligation de servir, à l’heure où les vocations se dessinent et les carrières s’imposent.

M. le baron de Courcel, par suite de l’usage qui veut que la présidence d’un conseil d’arbitrage soit donné au diplomate de la nation où se tiennent les séances, n’a pas manqué d’indiquer, dans un remarquable discours d’ouverture, ce qu’il y aurait d’heureux si les guerres s’évitaient par des moyens pacifiques. « Puisse la divine Providence, a-t-il dit, de qui relèvent toutes les actions des hommes, nous donner la force et nous inspirer la sagesse nécessaire pour accomplir notre difficile mission, et pour marquer ainsi une étape vers la réalisation de la parole pleine de consolation et d’espoir de celui qui a dit : « Bienheureux les pacifiques, car la terre leur appartiendra ! » Il faudrait posséder cette force à laquelle a fait appel l’honorable M. de Courcel pour aborder, même en l’effleurant, tout ce que les doctes avocats anglais et américains ont accumulé de documens à l’appui de leurs causes. D’aucuns ont failli remonter au déluge, ce qui n’eût pas été sans à-propos puisqu’il s’agissait de pêche ; d’autres ont démontré que la nécessité de vivre obligea l’homme dès sa venue sur terre à créer droit de propriété ; l’étrange maxime de Proudhon, « la propriété c’est le vol, » a été même expliquée par un des éminens avocats avec une certaine apparence de raison ; il en est, — des Anglais, — qui ont soutenu cette vérité bien surprenante tombant de leurs bouches, que les mers étaient des étendues indéfinies sur lesquelles toutes les marines du monde avaient le droit de naviguer à leur guise. Il n’est plus permis d’en douter.

En ce qui concerne cette étude, nous nous bornerons à la description des lies du pôle Nord d’où est parti le conflit qui divise en ce moment la Grande-Bretagne et les États-Unis. Nous dirons la vie des phoques, pauvres amphibies sans défense que l’on y tue par centaines de mille au temps de leurs amours, et que l’on massacre,