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on conçoit qu’ils aient moins goûté cette halte interminable dans une ville de province, malgré les fêtes de tout genre qui s’y succédaient chaque jour, et l’on devine la satisfaction générale quand, le Dnieper dégelé, le cortège impérial peut enfin reprendre sa marche, monté, cette fois, sur sept galères merveilleuses, étincelantes de soie et d’or, suivies de plus de quatre-vingts bâtimens ; « la flotte la plus pompeuse, — selon M. de Ségur, — qu’un grand fleuve ait jamais portée. »

« Nous partons décidément le 22 (vieux style), lendemain de la fête de l’impératrice, s’empresse aussitôt d’écrire le prince de Nassau. J’ai fait partir aujourd’hui mes gens, ne gardant qu’un valet de chambre, car je vais sur la galère du prince Potemkin, où nous serons très serrés. Nous aurons avec nous Branicki et sa femme avec Scawronski et la sienne. » — La comtesse Scawronska et la comtesse Branicka étaient toutes deux nièces du prince Potemkin. — « Mais j’aime mieux être moins bien avec le prince qui m’aime vraiment, malgré mes compagnons de galère qui me détestent bien. »

Et le lendemain : « Nous partons décidément le 3 mai (nouveau style). Nous serons, je crois, le 5 à Kanief. Il n’est pas encore décidé, le temps que l’on y sera ; je ne crois pas que cela soit bien long. L’impératrice est très embarrassée de l’entrevue, mais les affaires iront bien. »

Quoique le voyage en Crimée proprement dit ne débute réellement qu’au départ de Kerson, nous laisserons le prince de Nassau commencer ici son récit. Ses lettres, on l’a déjà dit, sont toutes adressées à la princesse, sa femme, alors à Varsovie.


« Ce 21/2 mai 1787.

À Nous partons demain, ma princesse ; je n’ai que le temps de vous écrire quatre mots parce que c’est aujourd’hui iête de l’impératrice et qu’il faut prendre congé du maréchal Romanzof et de tout ce qui reste ici. Adieu, je vous embrasse et vous aime de tout mon cœur. »


« Kief, 3 mai.

« À midi, l’impératrice sera sur sa galère. L’on ne regrette pas Kief. Moi je regrette la table ronde qui m’a mis à même de connaître l’impératrice comme je n’aurais jamais pu le faire partout