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la betterave fait au sucre de canne une concurrence très serrée sur le marché général. Les primes, que les planteurs louisianais ont obtenues, profitent surtout aux farmers de la Californie et des États du Nord-Ouest qui se sont rais à faire des champs colossaux de la racine robuste et apte aux climats septentrionaux. La conséquence est que, non-seulement en Louisiane, mais même au Mexique, les planteurs de cannes ne peuvent faire de bonnes affaires qu’à la condition de recourir au procédé de la diffusion et d’avoir des machines perfectionnées, importées d’Angleterre ou de Belgique. Plus encore que par le passé, la culture de la canne n’est accessible qu’à de gros capitaux et la transformation qui s’impose actuellement comporte de grandes mises de fonds.

Le café exige bien moins de dépenses. Ce gracieux arbuste, semblable au camélia, recherche les sols frais et légers : il veut être abrité contre les ardeurs excessives du soleil ; il pousse dans les forêts naturelles, si l’on a soin de supprimer le mort-bois pour ne laisser que les grands arbres, ou bien à l’ombre des bananiers qu’on plante en même temps, en sorte que l’on recueille une double récolte. Il remonte jusqu’aux premiers échelons des tierras templadas ; l’Européen peut donc le cultiver sans risquer sa vie, tandis que le cacao et la vanille ne viennent que dans les terres les plus basses et par conséquent les plus dangereuses. Le café est la culture du pauvre homme comme du riche capitaliste. Sur un demi-hectare, une famille d’Indiens en recueille assez pour acheter les vêtemens indispensables, et elle s’est nourrie avec les fruits des bananiers qui l’ont ombragée. Une grande plantation de caféiers donne d’autant plus de bénéfices que les frais de culture se bornent à deux ou trois binages à faire au pied de l’arbuste et à la cueillette des gousses ; au bout de trois ans, il les paie largement ; à cinq, il est en plein rapport et il peut durer jusqu’à quarante ans. Le café du Mexique est le meilleur du monde ; il vaut au moins ceux des Antilles et de Moka et est très supérieur à ceux du Brésil. S’il ne les a pas depuis longtemps supplantés, c’est que les révolutions avaient empêché le progrès agricole et les relations commerciales avec l’étranger. Le pays produisait à peine le café nécessaire à sa consommation. Depuis quelques années, un vif essor a été donné à son exportation. Elle a atteint en 1890-91 une valeur de 6,150,000 piastres.

Le café, après avoir été longtemps à des prix relativement bas, est depuis 1888 remonté à un niveau beaucoup plus élevé. On a attribué cette hausse à la spéculation et il est bien certain que le café est une des denrées sur lesquelles elle est la plus intense ; mais elle a aussi des causes économiques permanentes. M.