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malgré l’imperfection de leurs procédés d’extraction et de traitement du minerai, réalisaient des bénéfices considérables dont le gouvernement prenait sa part par des impôts de toute sorte. Il prohibait même l’exportation sous toute autre forme que celle de piastres, de manière à percevoir un droit de seigneuriage élevé. Mais la baisse du métal blanc, qui de 60 pence 1/2 a fait tomber l’once standard à 58 5/16 en 1874, à 52 4/4 en 1880 et finalement à 37 3/4 en mai 1893, a frappé d’une dépréciation de 39 pour 100 la principale exportation du pays. Le gouvernement a réduit considérablement les impôts qui grevaient sa production et il a permis l’exportation en franchise du minerai et celle des lingots moyennant un droit équivalant au seigneuriage perçu sur la frappe des piastres, soit 4,41 pour 100. C’est sous ces deux formes que les deux tiers de l’argent mexicain s’exportent aujourd’hui : les piastres ont cessé de faire prime depuis deux ans. Malgré cette énorme baisse, la production des mines mexicaines a été en augmentant constamment : de 1876 à 1881, leur moyenne a été de 23,632,326 piastres ; de 1881 à 1886, de 31,565,495 piastres et de 1886 à 1891, de 39,811,640 piastres.

Ce résultat est dû surtout à la constitution de puissantes sociétés américaines et anglaises qui ont introduit une partie des progrès modernes dans l’exploitation et le traitement du minerai. Le même fait se produit aux États-Unis[1]. Cela prouve le danger qu’il y aurait pour l’Europe à laisser de nouveau frapper librement le métal blanc. Ces mines, qui, même aux bas cours actuels, donnent des profits, augmenteraient leur production dans des proportions excessives, et il s’ensuivrait une dépréciation de la monnaie, une hausse des prix semblable à la crise monétaire qui troubla si profondément l’Europe au XVIe siècle. Il faut bien le reconnaître, il n’y a peut-être pas assez d’or, mais il y a certainement beaucoup trop d’argent dans le monde.

Le Mexique, qui cependant ne fournit que le quart de la production totale du métal blanc, sera un des pays les plus éprouvés par la crise vers laquelle on marche. C’est le grand danger de ses finances : le poids de sa dette extérieure payable en or s’accroît chaque année, et, pour échapper à la banqueroute, le gouvernement vient d’établir (mai 1893) des droits d’exportation très élevés sur les principaux produits agricoles, notamment sur le henequen et le café. Quand il aura été bien constaté que l’argent ne peut pas

  1. Ces faits ont été remarquablement exposés par M. Joaquin D. Casasus, délégué du gouvernement mexicain à la conférence de Bruxelles, dans deux volumes intitulés : la Question de l’argent au Mexique et le Problème monétaire et la conférence monétaire de Bruxelles (Guillaumin, 1892 et 1893).