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Chez les actifs ardens, la rapidité des échanges nutritifs entraîne celle des fonctions digestives, ainsi qu’une respiration ample ; elle entraîne également le besoin d’un sommeil réparateur, qui ordinairement est profond. Les traits sont fortement accusés et mobiles ; la physionomie est caractéristique : parfois la fixité de la pensée, attachée énergiquement à son but, donne aux yeux une expression spéciale d’ardeur. Le système musculaire est le plus souvent solide ; l’embonpoint est assez rare, grâce à l’activité dépensière de l’organisme. Les émotions déterminent de la pâleur plutôt que de la rougeur, et souvent aussi elles retentissent sur le foie. C’est ce dernier fait qui avait frappé les anciens.

L’activité ardente, quand elle est poussée à un haut degré, prend le caractère explosif, qui peut, en face d’obstacles, aller jusqu’à la violence : de là, dans beaucoup de cas, le penchant à l’irascibilité. Certains caractères irritables ressemblent à ces personnes qu’un physicien a chargées d’électricité et dont on ne peut toucher même le bout du doigt sans en tirer une étincelle. « Mon domestique, dit Alfieri, entre pour arranger mes cheveux, comme à l’ordinaire, avant d’aller me coucher ; en me serrant une boucle avec son fer, il me tire un cheveu assez fortement ; sans dire un seul mot, je me lève, plus prompt que la foudre, je prends un chandelier et le lui lance à la figure. » Alfieri ne savait pas contenir l’explosion de sa passion. Devenu amoureux fou, « je me trouvai, dit-il, dans la dure et ridicule nécessité de me faire attacher sur une chaise pour m’empêcher de sortir de chez moi et de retourner chez ma maîtresse. Les attaches étaient cachées sous un grand manteau dans lequel j’étais enveloppé, et elles ne me laissaient libre que d’une seule main pour lire, écrire et me frapper la tête. » Michel-Ange était bilieux, violent, énergique, indomptable. Passionné pour son art, il mangeait à peine, se relevait la nuit pour travailler, souvent se jetait tout habillé sur son lit. Et il travaillait avec une rapidité qui touchait à la frénésie. « Il était entraîné, dit Benvenuto Cellini, par certaines fureurs admirables qui lui venaient en travaillant. » Blaise de Vigenère raconte qu’il vit Michel-Ange, sexagénaire, abattre plus d’écaillés d’un marbre très dur en un quart d’heure, que n’eussent pu faire trois jeunes tailleurs de pierre en trois ou quatre. « Il y mettait une telle impétuosité et force que je pensais que tout l’ouvrage dût s’en aller en pièces. »

Comme tout ce qui est explosif, l’activité des vifs trop impétueux est souvent d’une durée d’autant moindre que la décharge a été plus intense et plus rapide. Dans ces conditions, on conçoit que l’épuisement nerveux se produise bientôt, à moins qu’on ne soit doué, comme Michel-Ange, d’une constitution