Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deviendra, croyons-nous, la recherche du tempérament fondamental de chaque organisme ou partie d’organisme, lequel entraîne son mode spécial d’agir et de réagir. Le naturaliste poursuivra partout le rythme vital de l’intégration et de la désintégration, il devra tout interpréter en termes de changemens constructifs et destructifs. Du même coup, la science de la vie se trouvera rattachée aux sciences plus générales : mécanique, physique, chimie. L’intégration, en effet, a une direction centripète ; la désintégration est centrifuge ; l’une est un phénomène de concentration, l’autre d’expansion ; on retrouve donc dans le rythme de la vie l’antithèse plus générale des forces centripètes et des forces centrifuges, qui domine la théorie de l’attraction universelle et aussi la théorie de l’affinité. Le même contraste se manifeste dans toutes les phases et formes de la vie. Chaque cellule, par exemple, a des phases d’activité et de repos ; l’alternative de la veille et du sommeil en est la conséquence : la veille est une série de changemens centrifuges où la dépense domine, le sommeil est une série de changemens centripètes où la réparation domine.

Pour rendre sensible aux yeux l’importante théorie du protoplasme, les biologistes ont imaginé des tableaux qu’on peut résumer en quelques lignes. Divisez par la pensée le domaine de la vie en deux groupes de changemens fondamentaux : croissance et reproduction ; les changemens intégrateurs dominent dans la croissance ; les changemens désintégrateurs dominent dans la reproduction. Subdivisez à son tour la croissance en assimilation et désassimilation : les changemens intégrateurs dominent dans l’assimilation, les changemens désintégrateurs dans la désassimilation. Enfin, subdivisez la reproduction en élément féminin et élément masculin : les changemens intégrateurs dominent dans le premier, les changemens désintégrateurs dans le second. Vous avez ainsi, en résumé, l’histoire de la vie, et par cela même, selon nous, la classification naturelle des tempéramens, qui seule fournit la première assise d’une classification naturelle des caractères.

D’après ce qui précède, pour classer les tempéramens, nous devons considérer le rapport mutuel de l’intégration et de la désintégration dans l’organisme en général et dans le système nerveux en particulier. Nous aurons ainsi des tempéramens d’épargne et des tempéramens de dépense, les uns en prédominance d’intégration, les autres en prédominance de désintégration. Telle est, selon nous, la division fondamentale que commande la nature intime des changemens du protoplasme.

Du même coup, pour passer du physique au moral, nous rattachons à son vrai principe biologique la division ancienne des