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procéder d’une façon virile contre certaines coutumes déplorables que nul jusqu’ici n’a eu le courage d’extirper, il pourra se souvenir de la chute du cabinet Canovas, qui est justement tombé pour n’avoir pas su rétablir l’ordre dans l’administration corrompue de la capitale.

Les puissances amies de l’Espagne se réjouiront des succès que le ministère remportera dans cette campagne difficile. Elles ne peuvent qu’encourager aussi le chef du département actuel des colonies, M. Maura, dans la politique modérée qu’il préconise du home-rule cubain, afin de démontrer aux autonomistes et aux libéraux, qui constituent la majorité de la population dans l’île, que l’Espagne veut désormais consulter les aspirations et les intérêts créoles et ne plus les sacrifier aux préjugés de la métropole, qui profite de ce que la majorité des représentans des Antilles au parlement est hostile à ce développement d’indépendance. L’ancien système colonial a fait son temps ; au contraire, cette politique de réforme, qui a reçu l’adhésion des membres du parti autonomiste à La Havane, lesquels ont prêté leur appui à l’autorité pour réprimer le soulèvement du mois dernier, dans la province de Santiago, est le meilleur préventif et la meilleure réponse que l’on puisse faire à Madrid, à ceux qui ont pour mot d’ordre « Cuba libre, » comme à ceux qui rêvent d’une annexion aux États-Unis.

Cette seconde hypothèse n’ayant aucune chance de se réaliser, aujourd’hui où les conceptions pan-américaines de M. Blaine sont moins en faveur que jamais à Washington, la première, celle d’une république cubaine, n’a rien de particulièrement enviable pour les créoles qui jettent un regard sur les complications extérieures et intérieures où se débattent en ce moment les États libres, d’origine espagnole, de l’Amérique du Sud : au Nicaragua, nous venons d’assister à une révolution, fomentée contre le président Sacaza par son prédécesseur M. Zavola. Résultat de la lutte permanente de deux villes, Léon et Granada, l’une la plus importante, l’autre la plus ancienne du pays ; la première toujours prête à se révolter quand la seconde domine et réciproquement. On put croire un instant que les États-Unis profiteraient de cette situation pour mettre la main sur le canal du Nicaragua à l’entrée duquel ils avaient envoyé stationner un navire. La guerre s’est terminée par la défaite et la démission du président, qu’une assemblée nouvelle est chargée de remplacer. Le plus clair du résultat, c’est que les frais militaires des deux côtés seront considérés comme faisant partie de la dette nationale.

Au Brésil, la révolte vient à peine de prendre fin dans cette province occidentale du Rio-Grande-do-Sul, où, de 1835 à 1845, avaient eu lieu des mouvemens analogues, qui aboutirent à une sécession passagère et à la fondation de la république de Piratiny. Cette fois les insurgés fédéralistes, soutenant ce qu’ils appelaient « l’empire du droit, » ont été vaincus par l’armée régulière envoyée contre eux par le maréchal