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définitive, M. Larche l’a encore assouplie et améliorée. Depuis son premier succès, M. Larche est sans doute allé à Florence, car le nouveau modèle qu’il expose, la Sève, est une inspiration visible de Botticelli. On se souvient, dans la divine Primavera, de cette svelte et vive créature, tout échevelée, qui s’élance, comme enivrée par la poussée de la saison nouvelle, au milieu des végétations vivaces, et, non contente d’arracher les fleurs, mâche entre ses dents une tige folle de verdure. La Sève est, de même, une femme nue qui semble jaillir, les bras dressés, la tête souriante, du sol printanier ; elle ne va pas jusqu’à manger des branches, mais elle est caressée par des brindilles qui lui grimpent entre les jambes, derrière le dos, le long des bras. M. Larche a-t-il donné à cette figure toute la vivacité, toute la souplesse, tout le charme qu’exige le souvenir d’un tel chef-d’œuvre ? Pas encore peut-être, et cette première exposition lui aura donné l’occasion de s’en apercevoir ; toutefois, en la revoyant, le sculpteur en peut faire un excellent morceau.

Un sentiment poétique, délicat et même assez ferme, attire les regards vers l’envoi de Rome de M. Gasq, Héro et Léandre. L’ouvrage est indiqué comme bas-relief ; en réalité, c’est presque partout un de mi-relief et, dans la partie centrale, un haut relief, puisque les têtes et les torses se détachent presque en ronde bosse. La façon même dont l’artiste a conçu son œuvre au point de vue matériel le mettait en présence d’une série de difficultés dont il s’est tiré à merveille et au grand profit de l’expression générale. Au milieu, est un fragment de rocher battu par la mer, cette mer qui apporte et soulève, venant de gauche, le nageur exténué et mourant. Celui-ci s’accroche de toutes ses forces, de ses dernières forces, à la roche, en se soulevant vers sa bien-aimée qui l’attendait, accoudée sur la même pierre, et qui l’embrasse, l’attire vers elle par un mouvement de tendresse énergique et tendre. Les deux figures sont d’un mouvement juste et simple, sans visées dramatiques ou sentimentales, modelées avec un sentiment naturel et discret de la forme. On peut savoir gré aussi à M. Gasq de n’avoir employé, pour d’exciter la curiosité, aucun de ces raffinemens de détails accessoires, aucune de ces bizarreries de pratique par lesquels beaucoup de jeunes sculpteurs croient se rattacher efficacement à la renaissance florentine. Son exécution, modeste, consciencieuse, librement simplifiée, est celle d’un artiste qui cherche, avant tout, la satisfaction sérieuse et durable de son imagination émue dans une réalisation juste et vraie. C’est un début qui doit être remarqué.

Le nageur de l’Hellespont a inspiré un autre sculpteur, M. Bareau. Celui-ci a laissé de côté l’amoureuse et nous montre seulement la