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dans une atmosphère raréfiée meurt pour les mêmes raisons que l’animal respirant dans un espace clos non ventilé ; tous deux meurent par insuffisance d’oxygène. À ce facteur s’en joint un autre, dans le cas des poissons des grandes profondeurs venant trop près de la surface : la dilatation excessive des gaz du corps qui, ayant une forte tension, font aisément éclater les tissus quand la pression extérieure devient inférieure à la pression intérieure. Ce cas se présente parfois pour l’homme, comme nous l’allons voir tout de suite.

Nous venons, en effet, de considérer le cas où un animal, — ou un homme, — passe graduellement d’un niveau moyen ou inférieur à un niveau très élevé. Il en est un autre à envisager maintenant : c’est celui où la transition est rapide, où le passage d’une pression normale ou forte, à une pression faible, se fait brusquement. Nous en avons des exemples quand un ouvrier qui travaillait dans une pile de pont, à trois ou quatre atmosphères de pression, remonte brusquement à la surface ; quand un scaphandrier sort trop vite de l’eau, quand un aéronaute se trouve enlevé à des hauteurs considérables par un ballon trop chargé de gaz. On sait que dans ces cas de décompression rapide, de passage soudain d’une pression forte à une pression faible, la mort survient parfois avec une grande promptitude, et qu’un animal mis sous une cloche où la pression, d’abord normale, est subitement diminuée par quelques coups de pompe, tombe sur le flanc et expire sans tarder, même quand la pression finale ne serait nullement incompatible avec la vie, si la décompression avait été opérée graduellement. Il y a ici quelque chose de différent des phénomènes qui se présentent dans les cas de la décompression graduelle, et l’autopsie des victimes nous fournit l’explication dont nous avons besoin, dans le fait suivant : la présence de gaz libres sous la peau, dans les tissus, dans les vaisseaux, fait qui ne se présente jamais à l’état normal. Ces gaz nous indiquent la cause de la mort. Nous savons que le sang et tous les tissus renferment à tout moment des gaz, de l’oxygène, de l’azote, etc., libres ou combinés avec les globules, et la proportion de ces gaz varie avec la pression extérieure, c’est-à-dire selon la tension de ces mêmes gaz dans l’atmosphère. Si la pression barométrique diminue graduellement, la tension des gaz de l’organisme diminue de même ; ils s’échappent graduellement du sang pour passer dans l’atmosphère, sans déterminer de troubles. Mais si la décompression est brusque, ce travail graduel ne peut s’opérer, et il arrive que les gaz du sang et des tissus, en présence d’une atmosphère où la pression est beaucoup moindre que dans le sang, sont mis en liberté brusquement, sous forme de bulles qui paralysent sans