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graine veut le centième de son poids d’oxygène ; telle se contente d’un millième ou d’un demi-millième, mais toutes en ont besoin. Les plantes en veulent encore pour leur croissance ; elles en consomment beaucoup lors de la floraison, les opérations chimiques étant si rapides et si intenses qu’il se produit un dégagement de chaleur très appréciable. À tous momens de leur vie, elles consomment de l’oxygène, et c’est pour cela que nous évitons de les conserver en trop grande abondance dans nos appartemens, surtout durant la nuit. — À ce moment, en effet, elles ne produisent que de l’acide carbonique, l’exhalation d’oxygène ne se faisant que de jour ; même quand elles semblent presque mortes, elles respirent encore : leurs parties détachées, fleurs, feuilles, fruits, placés dans un vase clos plein d’air, prennent de l’oxygène et fabriquent de l’acide carbonique. Mettez la plante dans un milieu privé d’oxygène : elle meurt sans retard.

Donc sans oxygène, pas de vie : ni animaux, ni plantes ; telle est la conclusion à laquelle la science est arrivée depuis la découverte de Lavoisier.

D’aucuns en pourraient conclure hâtivement que plus il y a d’oxygène, et plus la vie est abondante et intense, et que partout où l’air fait défaut, la vie manque également. Les recherches faites depuis quinze ou vingt ans par Paul Bert et M. Pasteur principalement ont montré que ces deux conclusions seraient profondément erronées.

Les êtres vivans sont adaptés à vivre dans une atmosphère qui renferme un quart d’oxygène et trois quarts d’azote. L’expérience nous montre que, si les proportions de ce mélange sont altérées de telle façon que l’oxygène diminue quelque peu, — d’un quart par exemple, — la quantité de ce gaz devient insuffisante, au sens large du mot, pour l’entretien de la vie. L’adaptation des êtres à l’atmosphère est donc très étroite, et dans ces conditions, on est en droit de se demander si la variation inverse, si l’excès d’oxygène ne serait pas, lui aussi, nuisible à la vie. C’est Paul Bert qui a principalement contribué à résoudre cette question, et l’expérimentation a révélé un fait absolument étrange à première vue, mais qui surprend moins celui qui tient sans cesse présente à l’esprit l’idée de l’adaptation de l’être vivant à son milieu. Ce fait, c’est que l’oxygène, le gaz vital et vivifiant par excellence, est un violent poison : et cela pour la plante comme pour l’animal, pour les cellules comme pour l’organisme complet. Il suffit que l’oxygène se trouve dans l’air sous une certaine tension, ou, ce qui revient au même, dans de certaines proportions, pour qu’aussitôt cet air devienne un agent de mort. Le fait se peut démontrer de deux manières : on peut