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tolique ont toutefois à se préoccuper de ces tendances à l’émiettement qui, si elles recevaient une entière satisfaction, aboutiraient à refaire, d’une monarchie déjà fort disparate, une sorte de confédération analogue au saint-empire romain d’autrefois.

En attendant, une guerre sourde existe entre Vienne et Prague, et le sentiment national, impatient de s’affirmer, accepte les occasions les plus futiles, telle que celle d’une pièce de théâtre qui est sifflée ou acclamée, selon la langue dans laquelle elle est représentée. À la dernière session de la diète de Bohême, la délimitation territoriale des tribunaux a fourni le prétexte de séances orageuses, où les députés, après avoir pris d’assaut le bureau des sténographes, en sont à peu près venus aux mains. Les jeunes-Tchèques, en minorité dans le parlement vis-à-vis du parti féodal, des vieux-Tchèques et du groupe qu’on appelle « allemand, » plutôt en raison de ses sympathies que de son origine, paraissent avoir pour eux la majorité du peuple de Prague. Celui-ci, soit qu’il voulût venger ses représentans, dont les grands seigneurs de Bohême, tels que les princes Schwarzenberg et Lobkowitz, se sont désormais nettement séparés, soit qu’il eût été réellement excité par les harangues de quelques députés radicaux, a tourné sa colère contre la statue de François Ier, que l’on aperçut un matin, victime de dégradations peu diplomatiques et la corde au cou, comme si l’on eût voulu la mettre au pilori. Le soir même, à minuit, le comte Taaffe ordonnait, au nom de l’empereur, la clôture de la diète.

Quant à François-Joseph, en apprenant l’injure ainsi faite à la mémoire de son aïeul, il se contenta de soupirer tristement ; mais, quelques jours plus tard, à la réception officielle des délégations qui se réunissaient à Vienne, le souverain affecta d’adresser la parole aux délégués de toutes les portions de l’empire, excepté aux jeunes Tchèques Hérold, Pacak et Mazaryck. Le fait, dans la cour la plus formaliste de l’Europe, n’a pas laissé d’être fort remarqué, d’autant plus que l’empereur s’entretenait pendant plus d’un quart d’heure avec M. de Plener, le chef des Allemands au Reischrath. L’attitude de sa majesté a été suivie et soulignée, dans le sein des délégations austro-hongroises, par une exclusion systématique des représentans de cette fraction bohème, avec lesquels les Allemands ont déclaré qu’aucun parti ne voulait plus entretenir de relations, en raison des scandales de Prague, qui les avaient mis « en dehors des convenances. »

Cette rigoureuse mise à l’index parlementaire a, comme on devait s’y attendre, provoqué d’énergiques protestations de la part des Tchèques qui, payant après les Allemands plus de contributions en hommes et en argent qu’aucune nationalité de l’empire, ont fait remarquer qu’il était odieux de les empêcher de participer aux débats sur les dépenses communes de la monarchie. Il est d’ailleurs un autre motif qui devrait engager le cabinet de Vienne à passer l’éponge sur