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de façon qu’à dix minutes d’intervalle on eût successivement glorifié les deux idées contraires, l’insurrection et la réaction, la Hongrie et l’Autriche, le parti de la liberté et le parti de l’ordre. Cette demi-mesure fut qualifiée par les radicaux hongrois d’impiété nationale, et la fête, grâce à la dextérité du cabinet Wekerlé, put conserver un caractère semi-privé.

Quoiqu’il ait à vaincre une opposition moins redoutable, puisqu’il dispose d’une forte majorité, le ministère italien n’en vient pas moins de subir une secousse assez pénible, d’où il est sorti notoirement courbatu : la nouvelle session du parlement s’était ouverte dans le plus grand calme, un calme qui frisait même l’indifférence ; le président de la chambre, M. Zanardelli, avait été obligé de lever la séance deux jours de suite, au moment des votes, faute du quantum légal. La discussion du budget n’avait pas attiré plus de monde à Monte-Citorio ; quand vint le tour de la marine, il y eut un moment où le ministre et presque tous les orateurs se trouvèrent absens. Le budget de la justice ne fit pas davantage salle comble ; néanmoins, après cinq séances dans lesquelles la chambre italienne, — semblable en cela aux autres assemblées délibérantes, — avait été invitée par plusieurs membres, à tour de rôle, à augmenter le nombre et le traitement des fonctionnaires et à réaliser des économies, après que tous les articles du budget judiciaire eurent été votés l’un après l’autre, l’ensemble de ce budget fut repoussé à la majorité de 138 voix contre 133.

Le soir même, M. Giolitti remettait au roi la démission collective du cabinet. Depuis, un raccommodement a été opéré ; les opposans ont fait savoir qu’ils en voulaient au seul M. Bonacci, garde des sceaux, auquel son caractère autoritaire avait attiré des antipathies personnelles et que l’on a définitivement débarqué. Il a été remplacé par M. Eula, magistrat de carrière, jouissant d’une grande réputation d’intégrité. M. Giolitti a profité de cette occasion pour mettre fin à l’intérim de M. Grimaldi, aux finances, dont il a confié le portefeuille à M. Gagliardo, son ancien secrétaire du ministère du trésor. Ainsi remanié, et en supposant que le roi, selon toute vraisemblance, ait usé de son influence personnelle sur le ministre des affaires étrangères, M. Brin, pour améliorer les rapports assez tendus entre ce dernier et le président du conseil, le cabinet italien n’en a pas moins à résoudre plusieurs difficultés dont une seule peut suffire à amener sa chute irrémédiable.

Ceux qui, selon le mot de M. Giolitti lui-même, « ne sont pas contens d’avoir vu seulement sa mort, mais voudraient assister à son enterrement, » font remarquer que ni l’affaire des banques n’est terminée, ni la loi sur les pensions n’est votée au sénat, ni la situation budgétaire n’est éclaircie. Il y a des optimistes qui comptent sur la Providence pour tout arranger, et qui disent avec confiance, comme M. le