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ministère, il paraissait renoncer à la réalisation, au moins prochaine, de ses désirs politiques, et s’était exclusivement appliqué au soin des finances. La combinaison à laquelle il s’était arrêté consistait à effectuer un nouvel emprunt d’une soixantaine de millions, qui aurait servi à payer les coupons à l’étranger. Dispensé alors d’acheter des remises sur le marché, le gouvernement grec eût pu consacrer ses fonds disponibles à retirer du papier-monnaie et à rembourser les banques. Quant à l’emprunt, reconnu impossible à Paris, on était sur le point de le conclure à Londres ; de tous les hommes d’État de la Grèce, M. Tricoupis est du reste celui qui a, en Angleterre, le plus de relations personnelles. Cet emprunt une fois conclu, on devait fermer pour longtemps le grand-livre de la dette publique. Au dernier moment, les négociations ont été rompues. Les Anglais voulaient que le service de l’emprunt fût gagé sur des recettes dont ils auraient contrôlé le recouvrement par une administration et avec des fonctionnaires distincts. Le premier ministre hellène avait, bien qu’à contre-cœur, accepté ces conditions, mais il voulait faire sanctionner cet accord par la chambre ; les banquiers britanniques refusèrent de rester aussi longtemps engagés ; le krach australien survint dans ces entrefaites, et il est fort possible qu’il ait influé sur les décisions des prêteurs.

Bref, M. Tricoupis, devant l’échec de ses combinaisons, offrit sa démission au roi, qui l’accepta. Le nouveau ministère, présidé par M. Sotiropoulo, parlementaire économe, vieilli dans les affaires publiques, et composé notamment de MM. Rhallys, Contostlavos, le colonel Corpas et le capitaine de vaisseau Criezis, ce dernier fils du célèbre navarque des guerres de l’indépendance, le nouveau ministère a indiqué les moyens qu’il compte employer pour sortir de la situation difficile qui s’offre à lui : M. Sotiropoulo est convaincu qu’il pourra payer le coupon de juillet et que l’établissement du monopole du tabac et la révision du régime fiscal, ayant pour base l’impôt foncier, permettront à un gouvernement, gérant les revenus du trésor en bon père de famille, de donner au budget un équilibre stable. Quant aux travaux publics, il faudra nécessairement les réduire et les exécuter seulement avec les plus-values éventuelles de l’impôt. Le premier ministre hellène aura à lutter avec ses rivaux, MM. Carapanos et Constantopoulo, dont les systèmes financiers diffèrent radicalement du sien, — le second s’est résolument prononcé pour la faillite. Il se présente en outre devant une chambre résolument hostile, de laquelle trois seulement des membres du cabinet, sur sept, font partie, et qu’il sera à bref délai dans la nécessité de dissoudre avec le consentement royal, qui lui est dès à présent acquis.

Le chef du nouveau cabinet norvégien, M. Stang, serait heureux sans doute d’en pouvoir faire autant pour le Storthing, qui, depuis un mois, ne lui a ménagé ni les ordres du jour désagréables, ni les votes