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réunit dans ses deux tableaux l’Histoire de l’humanité, les Vices, un certain nombre de têtes d’expression, copiées sur le vii avec une rigueur méticuleuse et sèche qui n’est pas sans mérite, quoique assez ennuyeuse ; tel est M. Brunin, d’Anvers, un exécutant d’une conscience et d’une habileté remarquables, qui peint les orfèvreries et les tapisseries comme les meilleurs ouvriers du XVIIe siècle, mais dont l’Orfèvre et la Nature morte ont déjà l’aspect jaune et fané de tableaux antiques. Toutefois, il en est d’autres qui, suivant le génie de leur race, cherchent leurs inspirations dans un naturalisme plus simple et plus actuel. Tous ceux qui ne demandent pas à l’art uniquement des impressions aimables ont remarqué l’étrangeté poignante des deux études, l’Idiot et l’Ivrogne, par MM. Larock-Evert et Mertens. Dans les deux cas, il s’agit de pauvres diables en guenilles, assis, l’air abruti, dans une cour de briqueterie, que regardent, du coin de l’œil, sans interrompre leur travail, quelques compagnons de misère. L’observation est franche et l’exécution d’une rigueur impitoyable, mais on sent, sous cette dureté de facture, une émotion simple et vraie. Les deux peintres sont d’Anvers, se ressemblent beaucoup par la manière de procéder et semblent avoir pris leurs modèles dans le même endroit.

L’Angleterre nous envoie un tableau assez important de M. Herkomer, le peintre célèbre des Invalides de Chelsea. M. Herkomer qui, on le sait, est d’origine allemande, nous représente, dans Notre Village, une place, couverte d’arbres, dans la campagne bavaroise, avec quelques figures de paysans et de paysannes. C’est une étude consciencieuse et sérieuse, dans une note sourde et triste, dont la gravité nous peut sembler un peu pesante, mais qui n’est pas sans intérêt. La même conscience de rendu, avec une austérité voulue d’exécution, se retrouve dans une collection de portraits insulaires, l’Ordination des Anciens dans l’église nationale de l’Ecosse. C’est, au contraire, par un retour inattendu de caprice romantique que M. Frank Brangwyn, l’auteur d’un enterrement à bord très remarqué en 1891, nous affole les yeux, dans ses Boucaniers, par un tumulte pesant de couleurs éclatantes, plaquées à coups de couteau à palette, sans signification visible. Cette vaste pochade où l’indigo, le jaune et le vermillon se livrent une bataille amusante, nous prouve que le dilettantisme de M. Brangwyn est capable de se livrer aux divertissemens les plus variés. Ces exercices amusent la galerie ; peut-être vaudrait-il mieux, pour M. Brangwyn, demeurer dans la voie plus simple qu’il avait d’abord suivie. MM. Lynch et Sinibaldi ne sont pas des Anglais ; l’un est Péruvien, l’autre Parisien, mais tous deux travaillent sous l’influence anglaise des préraphaélites élégans et mondains. M. Lynch a plus d’acquit et de souplesse, sa Madeleine