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ou moins de poli de sa surface, avec le plus ou moins d’inclinaison sur la direction suivie. Mais quant à avoir des formules précises, donnant des chiffres certains, desquels on puisse déduire le dispositif à adopter, la force à fournir pour qu’un corps plus lourd que l’air puisse s’y soutenir et s’y mouvoir suivant une direction et avec une vitesse déterminées, notre science n’en est pas encore là.

La découverte de la loi de l’attraction universelle avait, par une sorte d’induction assez plausible, conduit Newton à affirmer la simplicité des lois naturelles. Il n’éprouva donc aucune incertitude à poser comme une loi la proportionnalité de la résistance au produit de la multiplication par lui-même du nombre qui mesure la vitesse. C’est ce qu’on appelle abréviativement la loi du carré de la vitesse. Pendant longtemps, elle a suffi à tous ceux qui ont eu à se préoccuper de la résistance des fluides : ce n’est que dans la seconde moitié de notre siècle que les grands architectes de la nouvelle construction maritime ont été amenés à constater que la loi de Newton n’était qu’approchée et ne se vérifiait qu’imparfaitement pour certaines vitesses de navires. Ce fut bien autre chose quand on put, comme y sont arrivés les habiles et savans artilleurs des commissions de tir, mesurer, en un point quelconque de leurs trajectoires, les vitesses des projectiles d’aujourd’hui. Les résultats constatés furent en complet désaccord avec la loi du carré de la vitesse. Pour établir la loi vraie, — probablement fort compliquée, — à substituer à celle-ci, le calcul à lui seul est impuissant. Il lui manque son point de départ : la constatation exacte des faits qu’il devrait mettre en formule. C’est pour ce motif qu’en ce moment les préoccupations se tournent principalement du côté de l’expérimentation scientifique.

Les savantes et ingénieuses observations de M. Marey ont préparé la voie et fourni une méthode sûre. Tout au moins est-on averti des erreurs commises par nos devanciers et on n’y retombera plus. Navier avait trouvé que treize hirondelles en volant produisaient le même travail moteur qu’un cheval-vapeur, c’est-à-dire qu’unissant leurs efforts, elles auraient pu en moins d’une minute transporter au sommet des tours de Notre-Dame un homme de poids ordinaire. Le baron de Munchausen a essayé un tour de force de ce genre et y a réussi, dit le conte, avec des canards, il est vrai. Babinet, sans prendre autrement souci de tout ce qui était inconnu dans cette difficile question, crut pouvoir raisonner de la façon suivante : La pesanteur agissant sur l’oiseau le ferait tomber de 4m, 90 dans la première seconde. Il ne tombe pas : donc il dépense par seconde le travail nécessaire à élever son propre poids d’une hauteur de 4m, 90. Il suffit, pour être fixé sur