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rimenta sur le champ de courses de Vincennes. Ainsi qu’on s’y attendait, la stabilité fut parfaite : le mouvement de huit hommes agissant simultanément sur le treuil de l’hélice n’imprima aucune oscillation à la nacelle. Mais on constata, du même coup, l’insuffisance de cette force motrice. À peine put-on faire dévier le ballon de quelques degrés sur la direction du vent. Dupuy de Lôme était trop avisé pour ne pas s’en rendre compte, et il s’en expliqua lui-même quelque temps après. « Si l’on parvenait, écrivait-il, à se mettre bien à l’abri des dangers que présente une machine à feu portée par un ballon à hydrogène, on ferait facilement une machine de huit chevaux avec le poids des sept hommes dont on pourrait diminiuer le chiffre de l’équipage… On obtiendrait ainsi un appareil capable de faire route par rapport à la terre dans toutes les directions qu’il faudrait qu’il suive. »

Mais l’heure des moteurs électriques était proche. Dix ans après l’expérience de Vincennes, MM. Tissandier, les patriotiques promoteurs de l’aérostation militaire de 1870, commandèrent l’hélice de leur appareil aérien, au moyen d’une machine dynamo du type Siemens, actionnée par une pile ingénieusement combinée pour donner un grand débit, tout en n’ayant qu’un faible poids.

Ils conservèrent au ballon sa forme de fuseau symétrique et la housse imaginée par Dupuy de Lôme, mais n’apportèrent peut-être pas une préoccupation suffisante à assurer la stabilité. Quoi qu’il en soit, dans le courant de 1883-1884, ils efTectuèrent trois ascensions, et ils ont eu le droit de dire que chaque fois, pendant quelques minutes, ils donnèrent à l’appareil une direction déterminée. Ce résultat, si minime qu’il paraisse, était considérable. Giffard, Dupuy de Lôme, n’avaient pu obtenir, à aucun moment, cette direction effective du ballon. MM. Tissandier, encouragés, auraient voulu continuer, renouveler leurs expériences dans des conditions plus favorables. Ils songèrent à construire un nouvel aérostat qui aurait eu 3 000 mètres, et qui, gonflé d’hydrogène pur, aurait pu emporterprès de 3, 500 kilogrammes, c’est-à-dire un moteur de grande puissance. Il fallait pour cela 200 000 francs. Ils s’adressèrent au public ; on leur en offrit 4 000.

D’ailleurs, au même moment, les capitaines Renard et Krebs réalisaient leur belle expérience du 9 août 1884. Parti des ateliers militaires de Chalais-Meudon, par temps calme, le ballon la France, monté par ses deux inventeurs, évolua avec la plus grande docilité. « Dès que nous eûmes atteint la hauteur des plateaux boisés qui environnent le vallon de Chalais, a dit M. Renard, en rendant compte de cette expérience, nous mîmes l’hélice en mouvement et nous eûmes la satisfaction de voir le ballon obéir immédia-