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d’altitude, une température de 50 degrés au-dessous de zéro. Et cependant, la radiation solaire y était tellement intense que la légère nacelle, faite d’un blanc osier, redescendit brunie et basanée : elle avait eu un coup de soleil.

Mais, même dans ce cas, où la préoccupation de l’existence de l’aéronaute n’existe plus, on ne peut pas aisément construire un ballon pouvant s’élever indéfiniment. La nature des choses impose des limites à la curiosité scientifique. Un ballon de faibles dimensions, une centaine de mètres cubes par exemple, pourra, dans des conditions ordinaires, atteindre l’altitude de 12 000 mètres. L’Académie des Sciences a entendu, il y a peu de temps[1], le commandant Renard, dont le nom reviendra tout à l’heure plus d’une fois dans ce redit, exposer la façon dont doit être construit un ballon susceptible de s’élever à 20 kilomètres. La chose n’est pas aisée. Plus on s’élève, moindre est la densité de l’air, et moindre par conséquent la force ascensionnelle du ballon. Pour s’élever encore, il lui faudrait des dimensions croissant jusqu’à l’exagération. Un volume de trois millions de mètres cubes suffirait à peine à atteindre la hauteur de 50 kilomètres. Ce ne serait encore que le quart de la route. Autant dire que l’observation directe de ces déserts aériens, frontières de notre planète, nous est définitivement interdite.

S’il ne peut pas monter toujours, le ballon va-t-il donc rester indéfiniment, prisonnier résigné, au sein de la couche aérienne où son poids se trouve équilibré ? Non, certes, Préviendra, ce messager des airs, apporter ici-bas des nouvelles d’en haut. L’équilibre rencontré n’a qu’une courte durée. L’étoffe dont est fait le globe aérien ne s’oppose qu’incomplètement, quelque soin qu’on prenne, à la transfusion des fluides, et on n’est pas encore parvenu, quoiqu’on y songe, à la remplacer par une enveloppe métallique imperméable, cuivre ou aluminium, composée de feuilles suffisamment minces et soigneusement soudées entre elles. À travers le tissu, l’air pénètre à l’intérieur tandis que s’échappe le gaz léger. Tout l’appareil s’alourdit. À ce premier effet s’ajoutent ceux de la rosée, de la pluie, de la neige ou du givre qui souvent viennent surcharger la vaste superficie du ballon. Et c’est ainsi qu’il redescend vers la terre d’où il était parti. Quelques kilogrammes de trop, il prend une accélération qui rend souvent dangereux, quand il porte des voyageurs, l’instant critique de l’atterrissage. Plus d’une ascension s’est terminée par de graves accidens.

Mais s’élever n’est pas le seul service qu’on veuille recevoir du

  1. Académie des Sciences. — Séance du 3 décembre 1892.