riode ascendante, il accepta cette souveraineté fondée sur la grâce
de Dieu et la volonté populaire, bien qu’il ne crût ni à l’une ni à
l’autre. Aristocrate par tous ses goûts, mais sans rien attendre de
l’aristocratie française, il pardonnait à Napoléon III ses tendances
démocratiques comme une nécessité des temps. Mais quand l’empire
se fit libéral, il entra dans la catégorie de ces dévoués mécontens,
qui se font tuer en haussant les épaules. Il devint un
« ultra, » avec l’esprit qui manque, d’ordinaire, aux ultra. Il eut
des jugemens sévères, des mots presque durs dont l’amertume
consolera un peu le lecteur, fatigué peut-être d’entendre dire si
longtemps du bien des gens et des choses.
Pourtant, à mon regret, je dois encore rapporter des actions louables.
Lorsque Mérimée fut nommé sénateur, il se vota à lui-même une loi contre le cumul et refusa de toucher les émolumens de ses anciennes places, mais non de les remplir. Il croyait devoir y mettre plus de zèle que jamais, maintenant que, comme il l’écrivait à Mme de Montijo, « il travaillait pour l’honneur. » Ce n’est pas mal, à ce qu’il semble, pour un homme qui « n’avait pas de cœur. » Tel de nos contemporains, dont le cœur est si grand qu’on a peur de le voir déborder de sa poitrine, n’eût peut-être pas songé à cela. Il n’y avait pas huit mois qu’il recevait son traitement de sénateur, qu’il imagina d’en distraire 100 louis par an pour faire une pension à un ami, ancien préfet de Louis-Philippe, tombé, — j’ignore comment, — dans le dernier dénûment. Pendant vingt ans, il ne cessa de chercher des commandes et des protecteurs àun jeune artiste auquel s’intéressaient les Stapfer, un sabotier protestant des environs de Mer, qui, un beau jour, s’était senti sculpteur en tailladant avec son couteau un tronc de poirier. La piété envers les morts ou la charité envers les vivans lui faisait colporter des manuscrits de Beyle pour les vendre au profit de sa sœur, et entreprendre une édition nouvelle des lettres de Jacquemont, afin d’aider un de ses neveux. Sans parler des nombreuses circonstances où sa souveraine le prit pour complice, — j’ai bouche close là-dessus, — sa correspondance m’a découvert beaucoup de bonnes actions dont il se cachait comme les hypocrites se cachent des mauvaises. On ne le trouvait légèrement réfractaire que quand on attendait de lui une recommandation pour les prix de vertu. À un ami qui voulait le mettre en campagne pour un « sujet » de son choix, il révèle