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Ainsi, un maréchal de France, traîné captif de ville en ville comme un trophée vivant ; un autre maréchal de France caracolant à côté du vice-roi espagnol ; Condé mettant garnison de rebelles dans une vieille citadelle française, en arrière de nos lignes : voilà ce qui enivrait don Juan d’Autriche et lui faisait croire « que les ennemis n’oseraient seulement pas regarder l’armée du roi catholique. » Il en sera, répétaient les flatteurs, sur la dune de Dunkerque comme sur la plage d’Ostende ; il n’y aura qu’à ramasser des prisonniers. Hocquincourt a plus d’un ami parmi les lieutenans de Turenne ; maint officier français n’attend qu’une occasion pour trahir.

L’illusion sur ce point fut de courte durée. Le 12 juin, comme don Juan quittait l’abbaye des Dunes[1] pour s’établir à Zuydcoote, à deux lieues de Dunkerque, M. le Prince prit quelques cavaliers pour aller reconnaître les lignes françaises, s’avançant avec sa prudence ordinaire, se défilant de son mieux parmi les dunes, ne voulant ni engager une action inutile, ni attirer l’attention des patrouilles ennemies. Mais à peine eut-on aperçu un détachement français qu’Hocquincourt courut au-devant. En vain Condé le rappelle ; le maréchal songe plus à se faire voir qu’à charger ; fort empanaché, il envoie des coups de chapeau aux officiers français. On lui répond à coups de carabine, et c’est M. le Prince qui dut charger pour reprendre le corps du maréchal.

Ni l’issue de cette escarmouche, ni le rapport de Condé, sa chaude parole et son accent convaincu ne changèrent rien aux projets de don Juan.


III.

Le 13 juin, le vice-roi s’avance et range son armée en ordre de bataille, à une lieue environ des lignes françaises[2], présentant un

  1. 3,000 mètres nord-ouest de Furnes ; 11 kilomètres de Zuydcoote.
  2. Cette ligne de bataille devait passer par l’emplacement actuel du fort des Dunes. C’est aussi l’opinion du colonel Bourelly.