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Lucien (6 novembre 1800), il devint d’emblée le premier collaborateur de Bonaparte dans l’œuvre de réorganisation universelle. Le département de l’intérieur avait à cette époque des attributions fort étendues : instruction publique, cultes, hôpitaux, spectacles, musées, palais et maison du souverain, commerce, industrie, droits réunis, travaux publics. L’homme d’État improvisé garda ces lourdes fonctions pendant les quatre années du consulat ; le plus bel éloge que l’on puisse faire de son intelligence et de son activité, c’est de dire qu’il suivit durant tout ce temps, sans perdre haleine et sans plier sous le faix, l’initiateur avec lequel il fallait chaque jour remuer un monde. Je ne rechercherai point quelle fut la part personnelle du ministre, dans les travaux et les réformes dont il dresse la liste avec une juste fierté. On peut, du moins, lui reporter en propre tout l’honneur de la réorganisation des hospices.

Il nous dépeint l’état lamentable où il les trouva et les efforts que le relèvement lui coûta. Restait à refaire un personnel hospitalier. — « J’eus à peine formé le conseil-général et arrêté les règlemens et les principales améliorations, que je sentis la nécessité de rétablir les sœurs hospitalières… L’expérience venait de nous prouver, pendant dix ans, que les femmes les plus vertueuses, les plus charitables de la société, qui les avaient remplacées après leur suppression, n’avaient pas pu atteindre à ce haut degré de perfection… Le rétablissement des sœurs hospitalières n’était pas aisé ; l’opinion existait la même : rétablir une corporation contrastait avec toutes les idées du temps. Cependant, comme je sentais la nécessité, pour couronner mon œuvre des hospices, d’y faire rentrer mes religieuses, je me décidai sans consulter ni Bonaparte ni le conseil d’État. Ces vertueuses sœurs s’étaient dispersées et classées dans la société. Je parvins à en trouver une que j’avais connue en qualité de supérieure à l’hôtel-Dieu de Montpellier ; je lui proposai de rétablir son ordre et lui demandai si elle pourrait réunir huit à dix de ses anciennes compagnes pour établir une maison de noviciat… Bientôt, la maison se trouva trop étroite pour admettre toutes les aspirantes et on fut forcé de leur en donner une beaucoup plus grande. Cet exemple fut imité dans la province, et, peu à peu, ces institutions admirables furent partout rétablies. » — N’oublions pas que Chaptal, comme la plupart des hommes de sa génération, n’avait aucune religion ; il était haut dignitaire de la franc-maçonnerie et maugréait contre la corvée des cérémonies à Notre-Dame. Son témoignage d’administrateur n’en a que plus de poids, et l’on pourrait relire avec fruit les considérans remarquables de l’arrêté qu’il prit en cette circonstance.

La réforme des prisons, celle des établissemens d’enseignement