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ferment même ; l’activité des fermens alcooliques s’atténue dans un liquide chargé d’alcool ; les fermens qui transforment le sucre en acide lactique ou en acide butyrique cessent de travailler si le liquide, dans lequel ils ont été ensemencés, ne renferme pas de carbonate de chaux destiné à saturer les acides produits à mesure de leur formation. Il en est de même du ferment nitrique, il n’entre pas en jeu dans un milieu où les acides produits ne sont pas saturés par le calcaire.

De là, la grande utilité des apports de chaux ou de marne dans les terrains granitiques. Le Limousin, qui était misérable à la fin du siècle dernier, a été transformé du jour où les chemins de fer ont permis d’y faire arriver les chaux du Berry ; de bonnes prairies, couvertes de légumineuses, ont remplacé les pâturages médiocres composés des plantes qui vivent dans les terrains acides ; la culture du froment s’est substituée à celle du seigle. La nitrification est languissante cependant, aussitôt après l’apport de la chaux caustique ; le milieu est trop alcalin pour que les fermens nitriques y prospèrent ; mais très rapidement la chaux s’unit à l’acide carbonique aérien, la causticité disparaît, les nitrates se forment régulièrement, et le sol devient fertile.

Quand toutes ces conditions sont réalisées, la végétation des espèces végétales qui bénéficient davantage des nitrates est prodigieuse. Un des plus beaux exemples connus est fourni par les marches de Milan, constamment arrosées par de l’eau mélangée d’eau d’égout. Elles fournissent annuellement six ou sept coupes d’herbe ; ces terres sont louées 500 francs l’hectare.


VI

La formation des nitrates est, nous l’avons dit plusieurs fois, la condition même de la fertilité. Il est, par suite, du plus haut intérêt de la suivre attentivement, non seulement dans les expériences de laboratoire, mais aussi sur des sols en place, nus et cultivés. — Or, cette étude est facilitée par une propriété très fâcheuse que possèdent les nitrates : contrairement à ce qui arrive pour d’autres élémens de fertilité tels que l’acide phosphorique, la potasse ou l’ammoniaque, ils ne sont pas retenus par la terre ; si on fait filtrer une dissolution de nitrate au travers d’un sol, on trouve que la dissolution est aussi chargée après son passage qu’elle l’était avant, tandis que, si on avait fait filtrer au travers du sol une eau chargée d’ammoniaque, de potasse ou d’acide phosphorique, on ne trouverait en général dans l’eau d’égouttage qu’une minime fraction des élémens dissous introduits.