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poreux et de l’air, comme l’avait enseigné Kuhlmann, pour qu’elle s’oxyde et se transforme en acide azotique ? Pour le savoir, Boussingault introduit dans divers corps poreux : sable, craie, terre, des matières azotées essentiellement nitrifiables ; il maintient ses mélanges humides et bien aérés pour favoriser la nitrification, puis après quelque temps recherche les nitrates formés. Dans le sable ou la craie, la matière azotée ne subit aucune transformation, dans la terre, au contraire, la métamorphose est rapide ; les nitrates n’ont pas apparu dans les deux premiers corps poreux, ils sont abondans dans le dernier. Que renferme donc la terre qui manque dans le sable ou la craie ? Boussingault se borne à exposer les faits sans les interpréter, et il fallut attendre quatre ans avant de savoir pourquoi la terre agit autrement que les autres corps poreux.

MM. Schlœsing et Muntz nous l’ont appris au cours des recherches qu’ils ont entreprises sur l’épuration des eaux d’égout. — Personne n’ignore que la ville de Paris jette dans la Seine, à Clichy, le flot noir de ses eaux d’égout, au grand détriment des populations qui utilisent en aval l’eau du fleuve. Bien des essais furent tentés pour purifier ces eaux, avant que, sous la pression des ingénieurs Mille et Durand Claye, on se résolût à essayer la filtration au travers d’un sol perméable. Il y a plus de vingt-cinq ans qu’on fit passer une petite quantité d’eau d’égout dans la presqu’île de Gennevilliers et qu’on commença les irrigations.

La quantité d’eau qu’une terre peut recevoir journellement sans que l’épuration soit compromise varie naturellement avec la perméabilité du sol. Celui de Gennevilliers est très filtrant ; comme de plus la presqu’île n’offre qu’une surface restreinte, que le fleuve noir de Clichy roule un volume d’eau considérable, on fut conduit, pour tâcher d’épurer le plus d’eau possible, à exagérer l’épandage ; le plan d’eau du sous-sol se releva, les caves, toutes les parties déclives du terrain furent envahies par des eaux infectes. D’énergiques réclamations, des plaintes, des menaces, se firent entendre. Il fallut procéder à une étude sérieuse et chercher quelle est la quantité d’eau maxima qui peut être répandue journellement, sans compromettre l’épuration. M. Schlœsing fut chargé des essais et s’adjoignit, pour ses recherches, M. Muntz[1].

On remplit de grands cylindres de deux mètres de haut, avec la terre de Gennevilliers, on y déversa régulièrement l’eau d’égout, en réglant l’épandage. Quand l’eau filtre lentement au travers du sol, elle lui abandonne toutes les matières solides qu’elle tient en

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1892.