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de ray-grass, la graminée du gazon, les autres de trèfle. Dans les deux séries, quelques pots ont reçu des engrais chimiques, d’autres la matière ulmique, dissoute, qu’on extrait facilement du fumier de ferme, d’autres enfin restèrent sans engrais. Les résultats turent très curieux, le ray-grass fut luxuriant dans la terre enrichie d’engrais chimiques, et médiocre quand il poussa dans la terre amendée avec la matière ulmique, bien qu’on eût eu soin d’égaliser les quantités d’azote, d’acide phosphorique et de potasse introduites. Pour le trèfle, les résultats furent tout différens ; la fumure aux engrais chimiques n’exerça qu’une très faible influence, tandis que la terre qui avait reçu la matière ulmique porta une excellente récolte.

Tous ces faits militent dans le même sens. La matière ulmique azotée du sol, la matière noire du fumier, soluble dans les carbonates alcalins, est un aliment pour certaines espèces, notamment pour les légumineuses, quand, soumise pendant quelque temps à l’action de l’air et des fermens de la terre, elle a pris une forme que nous sommes encore incapables de définir nettement ; mais, en revanche, pour la plupart des autres, elle n’est qu’une matière première qui ne deviendra assimilable qu’après avoir subi des métamorphoses plus complètes, après que son azote aura été amené soit à l’état d’ammoniaque, soit à celui d’acide azotique.


IV

Ces métamorphoses se produisent sous l’influence de fermens contenus dans le sol. On fait deux lots de terre, et on y détermine l’ammoniaque, c’est-à-dire cette combinaison mal odorante formée d’hydrogène et d’azote, qui est le dernier terme des métamorphoses des matières animales, quand elles se putréfient à l’abri de l’air ; puis on stérilise l’un des lots de terre, en le portant à une température de 120 degrés environ pendant plusieurs heures, on laisse l’autre lot à la température ordinaire, on tasse bien la terre, on la maintient très humide de façon que l’air y pénètre difficilement et que l’ammoniaque ne se détruise pas en s’oxydant à mesure qu’elle apparaît. Dans les lots de terre ainsi préparés, on détermine à diverses époques l’ammoniaque formée, et on trouve qu’après un mois, six mois, deux ans, la proportion d’ammoniaque n’a pas changé dans la terre stérilisée, tandis qu’elle a au contraire notablement augmenté dans le sol qui n’a pas été soumis à une température suffisante pour tuer les germes des fermens qu’il renferme.

MM. Muntz et Condom, qui ont établi récemment ces faits avec précision, ont reconnu que les êtres vivans qui transforment