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sels de potasse, donnent des récoltes aussi abondantes, même un peu supérieures à celles qu’on, obtient des parcelles qui reçoivent du fumier de ferme, c’est-à-dire à la fois des alimens minéraux et un ample approvisionnement de matières ulmiques, tous les essais de culture continue du trèfle ont échoué, aussi bien sur les terres sans engrais que sur celles qui reçoivent des engrais chimiques, que sur celles qui ont été additionnées de fumier. Quand on sème du trèfle sur ces sols déjà fatigués par les cultures antérieures de cette même plante, il germe, puis dépérit, et à sa place apparaissent des graminées variées, végétant avec d’autant plus de vigueur que les engrais ont été plus copieusement distribués.

À Rothamsted, un seul essai de culture continue du trèfle a réussi, dans une toute petite plate-bande du jardin voisin de la maison de sir J.-B. Lawes.

Quelle différence existe-t-il entre cette plate-bande et les champs voisins ? C’est que la terre de jardin a reçu pendant une nombreuse suite d’années ces abondantes fumures de fumier de ferme que prodiguent les jardiniers, et que peu à peu ce fumier a subi les métamorphoses qui l’ont amené à un état tel, que sa matière organique azotée soit devenue assimilable par le trèfle. Ce n’est donc pas le fumier frais qui convient. C’est un produit intermédiaire entre la matière ulmique contenue dans le fumier et les sels ammoniacaux ou les nitrates qui en proviennent pas des dégradations successives.

J’ai exécuté moi-même sur ce sujet quelques expériences que je crois devoir rapporter ; au moment où j’ai tracé en 1875 le champ d’expériences de Grignon, j’ai consacré quelques parcelles à la culture sans engrais. Il y a cinq ou six ans, leur épuisement était sensible, les récoltes de betteraves y devenaient misérables et celles du trèfle très faibles, on essaya en vain de les rétablir avec des engrais minéraux, et quand on analysa ces terres pour reconnaître quels élémens y faisaient défaut, on reconnut que la proportion d’humus avait beaucoup baissé, la matière organique avait aussi changé de nature. Les eaux de drainage qui s’écoulent de ces terres épuisées sont absolument incolores, celles qu’on recueille des terres en bon état présentent au contraire une légère teinte ambrée, due à la dissolution d’une combinaison de la matière organique avec la chaux. — Cette dissolution est très efficace, et les jeunes plantes qui la reçoivent en éprouvent une influence heureuse.

Pour mieux montrer, au reste, que les graminées et les légumineuses ne prennent pas dans le sol les mêmes alimens et que la matière organique, indifférente aux premières, est nécessaire aux secondes, j’ai rempli de grands vases, d’une capacité de 60 litres, de terres épuisées par la culture sans engrais. Les unes ont été ensemencées