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maisons de l’archevêque. Sous son successeur éclate une insurrection violente au sujet du droit de mainmorte. Barberousse intervient comme médiateur, et, moyennant une rente annuelle de 25 livres, l’archevêque renonce à l’héritage de ceux de ses hommes qui meurent sans postérité. Nouvelle révolte en 1220, constitution d’une commune, expulsion de l’archevêque, menaces formidables du pape et de l’empereur : il fallut capituler avec le successeur Jean Halgrin, qui, très féodalement et très peu chrétiennement, obligea cent des principaux habitans à venir, pieds nus, vêtus d’une simple chemise, recevoir de sa main le fouet dans la cathédrale. Jean de Chalon-Arlay, lieutenant de Rodolphe de Hapsbourg, assiège la ville rebelle en 1289, et la réduit par la famine ; mais, sur la production d’une charte fausse, le conseil communal, toléré bon gré mal gré depuis assez longtemps, obtient la reconnaissance de franchises qu’il n’avait jamais possédées, et Besançon devient une espèce de république indépendante sous le protectorat de l’empire. N’est-ce pas aussi à l’un de ces prélats hautains et durs que le chroniqueur pensait quand il dit qu’il « laissa le service de Dieu tant altéré qu’il semblait plustôt de l’église une maison de lascivité, jeulx et tournois que maison de Dieu ni d’oraison. » L’histoire parle de ces châteaux-forts qu’ils construisaient afin de contenir leurs sujets indisciplinés ; la légende, cette caricature de l’histoire, a ajouté ses ornemens. Comme les bourgeois de Besançon démolissent chaque nuit l’ouvrage du jour, Eudes de Rougemont s’adresse au prince des ténèbres qui en quelques heures élève une forteresse inaccessible, au sommet d’une montagne voisine de la cité ; et l’archevêque de se rengorger en se frottant les mains : « Avant que les Besançonnais viennent me chercher jusqu’ici, les roses croîtront sur les rochers. » Et c’est merveille d’apprendre comment, quelques jours après, sept paysans, grands et forts comme des géans, portant des roses à leurs chaperons, ayant obtenu la permission de lui présenter leurs hommages, à condition de se déchausser et de porter souliers aux mains, s’en servirent pour assommer les soldats gardiens de la porte, et d’une voix formidable crièrent : « Besançon, la ville libre ! Besançon, la cité impériale ! À la rescousse les sept bannières ! » comment, à cet appel, les bourgeois de Battant, Charmont, Arènes, le Bourg, Saint-Quentin, Saint-Pierre, Chamars, accoururent, déployant l’étendard de la cité, et s’emparèrent de la garnison ; comment enfin, les gouverneurs ayant fait évader Eudes sous un déguisement, celui-ci se réfugia dans la tour du château de Gy, d’où il excommunia les rebelles et jeta l’interdit sur la ville. Mais voyez la malice des hommes : on n’était qu’en 1291, et déjà la passion de leurs franchises leur a doublé le cœur. Ces bourgeois commencent à ne plus trembler devant les