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de réprimer les erreurs qui portent atteinte à la pureté de la foi. » On ne pouvait pas tourner plus résolument le dos à son siècle.

De ces fautes, la Sorbonne n’est pas seule responsable, mais elle en a sa part. Les reproches qu’on lui fait sur son enseignement l’atteignent d’une façon encore plus directe. Robert de Sorbon était un homme de bon sens, qui avait su lui assurer les avantages de la vie commune, en lui épargnant les inconvéniens du monastère : c’était alors une nouveauté. Mais nous avons vu qu’il n’était pas un savant ; il ne changea rien aux méthodes dont on se servait dans les autres écoles pour apprendre la théologie ; elle était enseignée chez lui comme ailleurs. On ne nous dit pas qu’il ait rien fait pour corriger ce qui fut toujours le grand défaut de l’Université de Paris, ce qui empêcha son enseignement d’être fécond. Les professeurs n’y professaient guère. Leurs fonctions consistaient à examiner les élèves, et les élèves n’avaient d’autre souci que de se préparer aux examens. Les leçons véritables étaient faites par des étudians un peu plus âgés, qui ne pouvaient pas être des maîtres sérieux. Ils enseignaient ce qu’ils venaient d’apprendre, et comme on le leur avait appris, c’est-à-dire d’après des cahiers, qui se passaient de génération en génération, ce qui condamnait les études à une éternelle routine. On a fait un grand éloge à la Sorbonne d’avoir été fidèle à sa première institution ; c’est une qualité, mais qui peut devenir un défaut, quand elle empêche un établissement de suivre son époque et de se modifier à propos. La Sorbonne assurément n’est pas restée stationnaire, mais elle n’a pas su marcher assez vite, ce qui, aux yeux du public, produit le même effet que de ne pas marcher du tout. Unie à l’Université de Paris, elle s’était opposée de toutes ses forces à l’institution du Collège de France ; elle se décida plus tard à l’imiter, mais avec quelle lenteur ? un seul fait suffit à le faire voir : c’est seulement en 1741 qu’une chaire d’hébreu fut fondée chez elle par le duc d’Orléans ; il y en avait deux au Collège de France, depuis 1530. Sans doute, à cette époque, l’enseignement y était devenu moins formaliste, plus large, plus philosophique qu’autrefois ; et pourtant la dispute continuait à en être le principal exercice, comme au moyen âge. On disputait entre soi le samedi, dans l’intérieur de la maison, et c’est une dispute qu’on offrait au public, quand on le convoquait à assister aux examens solennels. Il se peut que cette dialectique à outrance aiguisât l’esprit ; mais elle risquait de le rendre chicaneur, obstiné, plus sensible aux procédés de la logique qu’aux clartés du bon sens, plus ami du raisonnement que de la raison. De plus, comme dans la dispute, le principe d’où l’on part et celui où l’on arrive sont donnés d’avance, elle est stérile pour l’invention, et l’on