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tours et qui a un aspect de forteresse ; c’est le corps de logis principal, mais ce n’est pas le seul. D’autres maisons viennent ensuite, différentes de hauteur et d’aspect ; elles sont restées telles que Robert les a trouvées, on les a tant bien que mal accommodées à leur nouvel usage et on les répare comme on peut quand elles tombent en ruines. La cour, au milieu de laquelle on a construit un grand bâtiment pour la bibliothèque, touche presque à ce que notre plan appelle « la grant rue Saint-Jacques. » Nous l’avons vue dans notre jeunesse, « la grant rue Saint-Jacques, » qui faisait l’orgueil de nos pères, et qu’il a fallu agrandir de tous les côtés pour qu’elle devînt une rue médiocre ! La chapelle s’élevait à peu près à la même place que l’église de Richelieu ; plus haut, sur l’endroit où se trouvaient il y a quelque temps encore les salles Gerson, on avait construit le collège de Calvi, pour des écoliers plus jeunes, qui se préparaient à l’Université, et le logement des bénéficiaires. C’était, sur une assez longue étendue, un ensemble de bâtisses d’âge et de forme diverse, sans unité, sans caractère. Rien ne les distinguait des autres chapelles et collèges qui peuplaient la savante montagne, et quand l’étranger, qui « venait puiser à cette fontaine du savoir, » les visitait, il fallait qu’on le prévint qu’il avait devant les yeux la Sorbonne.


II

Il est aisé de comprendre comment la vieille Sorbonne, qui n’avait jamais été bien solide et qu’il fallait réparer sans cesse, après trois siècles de durée, tombait littéralement en ruines. Richelieu, qui venait d’en être nommé proviseur, conçut le dessein de la reconstruire. C’était une grande affaire, et il savait bien qu’elle lui coûterait très cher. Il n’hésita pas pourtant à prendre sur lui toutes les dépenses, et il mit toute son activité à pousser l’ouvrage. — Nous ne devons pas oublier, nous qui sommes si fiers de ce que nous avons fait pour nos écoles, que les deux plus grands ministres de nos rois leur ont consacré une partie importante de leur fortune personnelle. Richelieu a refait la Sorbonne, Mazarin a bâti le collège des Quatre-Nations, où siège aujourd’hui l’Institut. Tous les deux ont cru qu’ils n’avaient pas de meilleur moyen d’immortaliser leur nom. Ce n’est donc pas de nos jours qu’on a compris pour la première fois l’importance des établissemens d’instruction publique.

Richelieu procéda comme nous venons de le faire. De l’ancienne Sorbonne il ne laissa rien subsister, il commença par raser jusqu’au sol tout ce qui restait des masures de Robert. Les vieux sorbonnistes ne les virent pas disparaître sans quelques regrets. Par habitude,