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L’Homereion, fondé en 1881, est réservé plus spécialement aux jeunes filles des familles aisées : une directrice, une sous-directrice, cinq institutrices grecques, trois institutrices françaises, constituent le personnel de cette maison, dont les programmes sont très complets et sagement entendus[1].

La plus ancienne et la plus riche des écoles de Smyrne est, sans contredit, l’école Evangélique εὐαγγελιϰὴ Σχολή (evangelikê Scholê). Elle a été fondée, en 1723, par le savant Gérothée Dendrinos, qui eut la gloire de compter au nombre de ses élèves le philologue Adamantios Koraïs. Depuis 1747, elle est placée officiellement sous la protection de la Grande-Bretagne. Cet établissement a trois succursales, et l’enseignement y est donné par plus de trente professeurs. Le brevet délivré aux élèves, à la fin des études, correspond au diplôme de bachelier ès-lettres en France ; il est reconnu par le ministère de l’instruction publique de Grèce et donne droit d’entrée à l’Université d’Athènes.

Grâce à l’école évangélique, il y a, au seuil de l’Asie, « ce vaste monde sans livres »[2], une bibliothèque et un musée. Petite bibliothèque, qu’on ne saurait comparer aux trésors accumulés par Ptolémée Philadelphe dans la bibliothèque d’Alexandrie ; modeste musée, qui ne ressemble pas aux palais de marbre où causaient Eratosthène, Zénodote et Callimaque. Mais c’est assez pour faire voir que les Grecs n’ont guère changé depuis l’établissement des Lagides en Égypte, des Séleucides dans la vallée du Tigre, depuis l’aventure des audacieux chercheurs de conquêtes, qui devinrent, dans le crépuscule féerique de l’empire d’Alexandre, rois de Bactriane, de Bithynie, de Cappadoce, de Pergame. Sur tous les points du monde où ils vont trafiquer, batailler ou régner, ils fondent une colonie intellectuelle. Entourés de Persans, d’Égyptiens, de Parthes, d’Hindous ou de Turcs, ils se préservent de la grossièreté environnante, en créant autour d’eux une atmosphère subtile et précieuse, en interposant entre eux et les Barbares, comme un rempart invisible et infranchissable, des siècles de littérature et d’art[3]. J’avais la vision nette de toute une série de générations entêtées dans le même instinct et le même effort, lorsque je visitais cette petite

  1. Il faut ajouter à ces indications la mention des établissemens privés. Les principaux sont, pour les garçons, le lycée Aroni (150 élèves, 18 professeurs) ; le lycée Réniéri (60 élèves, 10 professeurs) ; le lycée Karacopou (150 élèves, 14 professeurs) ; le lycée Hermès (65 élèves, M professeurs). Parmi les écoles de filles, citons les pensionnats Anastasiadis, Chrysanthe Papadaki, Baldaki, Pascali, Kokinaki. — Voyez Rougon, ouvrage cité.
  2. Élisée Reclus, Géographie universelle, t. VI, p. 53.
  3. Voir Droysen, Histoire de l’Hellénisme.