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La communauté des Filles de la charité s’est chargée de desservir l’hôpital catholique de Saint-Antoine, où les malades sont reçus sans distinction de religion ni de nationalité, ainsi que l’hôpital militaire que le gouvernement français entretient pour les besoins de notre marine nationale.

L’hôpital militaire est une grande bâtisse propre, aérée et spacieuse. Un zaptié turc, armé d’un fusil Martini, la taille entourée d’une ceinture-cartouchière, monte la garde, près de la porte, dans une guérite vermoulue. Dès qu’on est entré au jardin vert et ensoleillé, où des poules pattues picorent dans le sable, on se sent en pays français, tant l’accueil des bonnes sœurs est aimable, avenant et gai. Je défie bien tout le conseil municipal de Paris, et même le comité de la Libre Pensée des Batignolles, de laïciser cette maison, et d’expulser ces excellentes filles qui viennent, loin du pays, consoler et guérir tous ceux qui servent, au péril de leur vie, l’honneur du pavillon français. Combien de matelots dépaysés ont trouvé là les paroles maternelles qui réconfortent, et les remèdes qui sauvent ! Combien ont été soutenus, à leur dernière heure, par une affection chaude et dévouée, qui tâchait de remplacer la famille absente, et dont la douceur semblait apporter au moribond le baume de l’air natal !

— Voici, me disait la sœur supérieure, voici la chambre où mourut votre pauvre camarade Veyries, lorsqu’il revint, tout fiévreux, de l’exploration de Myrina. Le malheureux garçon ! Mourir si jeune, à vingt-trois ans, et si loin des siens ! ..

— Ah ! continua cette vénérable femme, j’en ai soigné beaucoup d’autres, et quand ils étaient guéris, quand ils repartaient pour leur navire ou pour l’école d’Athènes, ils étaient tout tristes ; ils s’étaient accoutumés à notre pauvre logis.

Et tout en marchant dans la cour fleurie, et dans la chapelle blanche qu’illuminaient les feux multicolores des vitraux, la supérieure aimait à évoquer ces souvenirs. Elle parlait d’une voix harmonieuse, bien timbrée, avec un léger accent du Midi, qui donnait à sa parole une allure vive, une grâce vibrante.

— Croiriez-vous, ajouta-t-elle, en nous reconduisant au parloir, croiriez-vous qu’un de ces messieurs, qui n’était point catholique, eut peur d’être converti par nous ? Il évitait de causer avec nous, craignant qu’on ne commençât à le prêcher. Il ne nous connaissait pas bien. Saint Vincent de Paul n’a-t-il pas dit : « Il ne faut jamais parler de Dieu au malade. Il faut parler du malade à Dieu. »

Chez les lazaristes du Collège français de la Propagande, j’ai retrouvé le même accueil, le même patriotisme, le même