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Un nouveau deuil vient de frapper la Revue : nous venons de perdre notre plus ancien collaborateur et ami, M. Charles de Mazade-Percin, de l’Académie française. À l’heure même où il devait donner ici sa chronique accoutumée, tous ceux qui l’ont connu et aimé lui disaient le dernier adieu, et nous avons la très grande douleur d’annoncer à cette place sa mort à ceux qui avaient su apprécier la hauteur de son esprit, son désintéressement, sa loyauté, parfaite dans les relations, son courage dans les temps les plus difficiles, et cette belle et longue vie toute de travail et d’honneur.

Il y a près de cinquante ans (15 septembre 1845) que M. de Mazade fit, pour ainsi dire, ses premières armes en commençant ici une série d’études d’histoire et de critique littéraire. En 1852, il fut chargé d’écrire la chronique politique de la Revue. C’était une époque difficile où la moindre critique des actes du gouvernement pouvait entraîner la suppression. M. de Mazade trouva le moyen de tout dire, et même de se faire écouter, sans donner prise aux rigueurs de la censure. C’est qu’il avait, avec le respect de sa mission, l’esprit le plus précis et une intégrité parfaite. Quand on se souvient de ces temps, ce n’est pas un petit éloge à donner à un écrivain, qui, chaque quinzaine, était appelé à prendre la plume pour rendre compte de ce qui s’était passé dans l’intervalle.

En 1858, M. de Mazade désira se reposer de sa lourde tâche pour écrire des études variées sur l’Italie, ses hommes politiques, sur la guerre de 1859 et sur bien d’autres sujets ; puis en 1868 il reprit la chronique, pour la continuer sans aucune interruption jusqu’au 15 avril 1893. Entre temps, il ne cessa de composer de nombreux travaux, qui devinrent ensuite des livres, notamment sur la Guerre de France, sur M. Thiers, sur le Comte de Cavour, etc.

Il nous serait difficile, dans cette courte notice, d’apprécier comme il convient ce noble caractère, disons simplement que M. de Mazade fut pour nous l’image la plus parfaite du véritable honnête homme, et que tous nos regrets l’accompagnent dans la tombe.

Un jour prochain nous chargerons quelqu’un de nos collaborateurs de parler plus longuement de M. de Mazade, qui, par sa vie, par l’influence qu’il a exercée, mérite qu’on lui rende un hommage plus complet.


C. B.