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Les projets de transactions ont moins de succès dans la presqu’île Scandinave, qu’émeut et passionne depuis longtemps déjà la fameuse question des consulats. La Suède et la Norvège, comme on sait, ont des gouvernemens distincts, mais elles n’ont qu’un ministre des affaires étrangères, lequel est un Suédois et fait partie du ministère suédois. Les radicaux norvégiens, qui possèdent une majorité de quelques voix dans le storthing, se plaignent que les intérêts de la Norvège périclitent entre les mains des représentans consulaires des royaumes unis, et ils demandent que leur pays ait ses consulats spéciaux. En apparence, il ne s’agit dans cette affaire que d’intérêts commerciaux. Or on n’a pu citer, paraît-il, aucun exemple d’un consul suédois dont un commerçant norvégien eût à se plaindre. On assure aussi que parmi les armateurs consultés sur le projet de création de consulats indépendans, 181 l’ont condamné, que 65 seulement l’ont approuvé. Au demeurant, sur 30 postes consulaires rémunérés, 15 sont occupés par des Suédois, 15 par des Norvégiens, et s’il est vrai que les consulats communs dépendent du ministère des affaires étrangères de Suède, chargé des relations extérieures des deux royaumes, il est bon d’ajouter que, pour toutes les affaires exclusivement norvégiennes, les consuls reçoivent des instructions et des ordres directs de Christiania.

Cependant tous les partis en Norvège reconnaissent qu’il y a quelque chose à faire pour rétablir l’égalité entre les deux pays. Jusqu’en 1891, conservateurs, modérés et radicaux s’accordaient à réclamer l’institution d’un ministère des affaires extérieures commun, qui ne fût incorporé dans le conseil des ministres d’aucun des deux royaumes, et dont le titulaire pourrait être indifféremment Suédois ou Norvégien. La Suède a déclaré que la question des consulats ne pouvait être réglée que par un accord préalable entre les parties contendantes, mais qu’elle ne demandait pas mieux que de se prêter à un accommodement. Ses propositions ont été bien accueillies de tous ceux qui désirent le maintien de l’union ; mais les radicaux ne se sont pas rendus. Ils ont modifié leur programme ; ils ne seront contens que si l’on institue deux ministres des affaires étrangères, indépendans l’un de l’autre, et ils prétendent introduire ce changement dans la constitution par un acte législatif de la Norvège seule, sans entente préalable avec le voisin.

On en a conclu qu’ils n’avaient jamais vu dans la question consulaire qu’un moyen d’agitation politique, qu’ils aspiraient secrètement à secouer un joug qui leur pèse, que ces autonomistes entendent résilier l’acte du 6 août 1815, séparer à jamais ce que le congrès de Vienne a uni. Le docteur Sigurd Ibsen, fils du célèbre dramaturge, a confessé que dans certains cas la bouche ne révèle pas tous les secrets