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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril.

Les vacances de Pâques ont procuré à la France quelques jours de relâche et de douce tranquillité dont elle avait grand besoin après tant d’agitations, d’émotions plus ou moins factices. Le soleil s’est mis de la partie. Le printemps précoce dont nous jouissons nous a aidés à nous distraire de nos idées noires, des sombres mystères du panamisme. La campagne est en avance d’un mois ; tout est rose ou blanc dans les vergers, jamais les cerisiers n’avaient eu tant de fleurs et les vignes tant de grappes naissantes. Nous sommes un peuple qui se laisse gouverner par ses impressions ; elles sont naturellement vives, et nous nous plaisons à les exagérer encore par des artifices de rhétorique ; mais, prompts à la colère, nous sommes prompts à l’oubli. Nous ressemblons à cet homme violent, mais débonnaire, qui se disait quelquefois le matin à son réveil : « J’étais furieux hier soir en me couchant ; j’aimerais bien qu’on me dise pourquoi. »

C’est pendant ces jours de férié que Paris a vaqué à ses élections municipales, et elles se sont ressenties en quelque mesure de la paix des âmes et de l’influence lénifiante du printemps. Sauf quelques accidens fâcheux, tout s’est passé en douceur. Les réunions étaient moins nombreuses et plus calmes que d’habitude. On a remarqué que les candidats étaient moins prodigues qu’autrefois d’invectives et d’injures, moins disposés à traiter leurs compétiteurs de voleurs ou d’assassins. Mais ceux qui aimaient à croire que Paris avait fait de salutaires réflexions, qu’il profiterait de l’occasion pour renouveler sa maison et son service, ont été déçus par l’événement. Paris semble content de ce qu’il a, et le nouveau conseil ressemblera beaucoup à l’ancien. Beati possi-