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Tzimtzicha, fanatique, superstitieux, ne savait quel supplice infliger à sa sœur, proie des méchans esprits. Sacrilège, parjure, elle devait être enterrée vive ; mais sa mort, puis sa résurrection, la mettait en quelque sorte à l’abri de l’humaine justice. Que faire d’elle ? Les conseillers, indécis, n’osaient se prononcer. En ce qui touchait Villadiégo et les nobles Mexicains qui l’accompagnaient, ils devaient être sacrifiés dans le temple de la déesse Xaratanga. Quel lut le résultat du conseil tenu par le roi ? Nul ne le sut.

Dans l’après-midi de ce même jour, Tzimtzicha reprit, avec sa cour, le chemin de sa capitale. Il avait refusé de voir l’étranger et il emmenait avec lui Atzimba, éplorée. Le peuple, qui adorait la belle jeune fille, se pressa pour la voir passer, et fut ému par la vue de ses larmes, dont il ignorait la véritable cause. Il répétait qu’elle regrettait le ciel qu’elle avait entrevu, puis perdu, qu’elle aspirait à franchir de nouveau la porte sacrée des quatre étoiles.

Trois jours plus tard, les habitans de Tzintzuntzan se pressaient dans les rues de leur ville, pour voir passer, disait-on, des ambassadeurs venus de Mexico. Mais des agens du roi, mêlés à la foule, lui répétaient que c’étaient là de faux ambassadeurs, puisqu’il était notoire que le dernier des empereurs aztèques, au nom duquel ils se présentaient, était mort. Villadiégo ne figurait pas dans ce cortège ; le roi avait ordonné qu’on ne l’amenât dans la ville qu’au milieu de la nuit.

Vingt-quatre heures s’écoulent et, dans le temple de Tzintzuntzan, le son des trompes marines appelle le peuple, bien que ce ne soit la date d’aucune fête. La foule accourt, se range dans le vaste cirque auquel le temple fait face, et douze prisonniers aztèques paraissent entourés de prêtres. Un signal ! douze cadavres gisent autour de la pierre des sacrifices et douze cœurs fumans, ceux des compagnons de Villadiégo, sont déposés devant l’image qui symbolise le doux astre de la nuit.

Il y a deux heures que le soleil a disparu derrière les collines qui, vers le couchant, bornent la vallée de Tzintzuntzan, deux heures que la nuit a fait faire les oiseaux et les hommes, lorsqu’une barque conduite par dix rameurs glisse rapide sur le bleu miroir du grand lac dont les eaux vermeilles baignent la capitale du Michuacan. Les rameurs ne sont rien moins que de grands personnages de la cour, et, assis côte à côte sur la plate-forme du long esquif, la main dans la main, se tiennent Atzimba et Villadiégo.

Après un assez long voyage, les amans sont débarqués sur la rive du port de Carichéro, près de la résidence d’été des rois, en ce moment inhabitée. Là, les entourant avec respect, avec un soin méticuleux, les rameurs les conduisent dans la plus somptueuse des chambres du palais. Bientôt les deux amans reposent, et,