roi est, dans son énergique concision, plus belle et plus poignante encore : « Sire, un décret qui présume qu’il n’y a point de coupable, lorsqu’il y a un délit constaté, ne saurait être un Jugement. Nous ne pouvons nous empêcher de craindre que celui rendu sur l’affaire de Toulon ne nuise par ses funestes effets à l’ordre public, à la discipline militaire et à la subordination, si nécessaires pour la sûreté des arsenaux et pour l’emploi des forces navales. Daignez, sire, nous permettre de déposer aux pieds de Votre Majesté ces craintes, notre soumission et notre profonde douleur[1]. »
Le déplacement de M. de Rions, que le ministre de la marine n’osa pas renvoyer à son poste, fut un nouveau succès pour la municipalité de Toulon. Nommé commandant de la marine à Brest, le comte de Rions se trouva, dans ces nouvelles fonctions, en butte aux mêmes préventions, à la même défiance, à la même hostilité qu’il avait déjà si cruellement éprouvées. Suspect à la bourgeoisie, à la municipalité, à la garde nationale, dénoncé par le club comme ennemi et massacreur du peuple, le malheureux officier vit bientôt son autorité absolument méconnue. Les équipages mêmes la bravaient ; abord d’un vaisseau, le Léopard, où il s’était rendu pour faire rentrer dans l’ordre quelques mutins, on l’insulta grossièrement[2]. Une sédition éclata ; le peuple dressa une potence devant l’hôtel de M. de Marigny, major-général de la marine, et voulut pendre cet officier. M. de Rions demanda des mesures de répression. L’assemblée n’ayant pas eu le courage de les prendre, le commandant comprit qu’il ne lui était plus possible de servir un gouvernement dans lequel il n’existait plus, pour les agens du pouvoir, de recours contre l’indiscipline, l’insolence et les fureurs de la populace. Il offrit sa démission, et, à partir de ce moment, l’histoire perd à peu près sa trace.
Les archives de la marine[3] fournissent pourtant quelques indications sur les dernières années de sa vie. Nous apprenons ainsi qu’il avait émigré et commandé en second le corps de la marine dans l’armée des princes[4]. Le malheur des temps avait donc contraint, comme tant d’autres, ce bon serviteur du pays à tourner contre le pays sa loyale épée. Que ceux-là condamnent sans appel M. de Rions qui ne veulent pas comprendre combien en ces jours tragiques le devoir était peu clair aux yeux d’un gentilhomme aimant son pays