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avoir lu ces extraits des discours et de la correspondance du député de Riom, que son caractère s’y montre sous un jour aussi favorable que son talent.

Le 21 décembre, l’assemblée reçut communication du procès-verbal d’élargissement des officiers détenus. Une lettre de la municipalité accompagnait cette pièce. Il était dit dans cette lettre que « le salut de la ville et celui des officiers du port avaient obligé la commune de Toulon de violer la liberté de ces derniers, mais qu’ils avaient eux-mêmes violé la majesté de la nation en ordonnant de faire feu sur un peuple sans armes[1]. » Ricard proposa aussitôt d’adresser des félicitations aux officiers municipaux de Toulon, « sur la manière dont ils se sont conduits au sujet du décret sanctionné par le roi. » Cette motion fut adoptée, non sans avoir été « tumultueusement contredite[2]. » On félicitait la commune de Toulon d’avoir obéi aux ordres de l’assemblée, mais nul ne songeait à lui reprocher d’avoir, dans la même circonstance, audacieusement refusé de se soumettre aux injonctions du roi. Une pareille omission montre clairement combien, aux yeux de l’assemblée elle-même, un acte de rébellion contre le pouvoir exécutif semblait déjà de peu de conséquence. Symptôme non moins grave : ce pouvoir qu’on abandonne s’abandonne lui-même. M. de Saint-Priest n’a pas protesté contre la délibération du 12 décembre, au cours de laquelle le corps municipal de Toulon a déclaré qu’il ne reconnaissait point, dans les instructions transmises par le ministre, « la marque de la volonté certaine » de Louis XVI. On brave ouvertement la royauté, et celle-ci ne sait plus opposer aux entreprises des factieux que cette attitude de résignation mélancolique et passive, où l’on reconnaît les gouvernemens qui n’ont plus confiance en eux-mêmes, et que paralyse le pressentiment confus de leur prochaine déchéance.


VII

Cependant M. de Rions était arrivé à Paris et son premier soin avait été de solliciter l’autorisation de venir plaider lui-même sa cause à la barre de l’assemblée. Les députés de Toulon auraient souhaité qu’on l’y laissât paraître. « Il n’entend rien à la révolution, écrit Meiffrun, il aurait gâté encore davantage son affaire[3]. » Et de fait, il est probable que laitier gentilhomme, tout vibrant encore du souvenir des violences dont il venait d’être

  1. Moniteur. — Séance du 21 décembre.
  2. Ibid.
  3. Lettre du 29 décembre, citée par Henry (I, p. 382).