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d’artillerie et dans l’arsenal… Je demande si on a pu ordonner de faire feu avec des armes qui n’étaient pas chargées ? .. » Non content de détendre le commandant de la marine à la tribune, il plaidait chaleureusement sa cause à Toulon même, auprès de la municipalité. « J’ai dû repousser les suspicions qu’on cherchait à répandre sur la conduite et les projets de M. d’Albert. On lit aujourd’hui dans plusieurs feuilles publiques qu’il a donné l’ordre de faire feu sur le peuple. C’est ainsi qu’on irrite, qu’on trompe ce pauvre peuple… Ma femme et mon fils, messieurs, sont dans votre ville : je les recommande à votre protection. Que les ouvriers et les gens de mer n’oublient pas que, si je blâme aujourd’hui leur effervescence, je ne les ai jamais vexés et souvent soulagés, dans le temps où l’autorité était quelque chose[1]… » Le lendemain, il écrivait encore : « M. Ricard, l’un de vos députés.., a annoncé ce matin qu’il y avait dès le commencement de novembre des projets d’attaque et de combat contre la ville… La vérité percera tôt ou tard… On reconnaîtra que les cartouches, les artifices faits dans l’arsenal s’y exécutent journellement, qu’il est impossible qu’il y ait un projet d’attaque contre les citoyens, qu’il est naturel que le commandant craignant une insurrection se soit disposé à la prévenir… Il est impossible qu’aucun tribunal blâme jamais un commandant qui aura pris des précautions pour en imposer en cas d’émeute[2]… » Quelques jours plus tard, il se plaint de nouveau « de voir poursuivre avec aussi peu de motif et de mesure les accusations intentées contre M. d’Albert et les officiers de la marine. Si telle est la mission de vos députés, je pense qu’ils pourraient encore la remplir avec plus de circonspection… » Les passions populaires étaient à ce point déchaînées contre les officiers de marine, à Toulon, que des lettres anonymes remplies d’injures et de menaces parvenaient chaque jour à l’honnête homme qui avait eu le courage de se constituer leur défenseur. « J’ay lieu de croire aux lettres anonymes que je reçois de Toulon, qu’on a fort échauffé le peuple contre moi, mais les misérables qui prennent la peine de m’écrire et de me menacer devraient savoir que je ne suis pas très susceptible d’effroi… » Et bien loin de se laisser détourner par ces basses menaces de l’œuvre de justice qu’il a entreprise, Malouet annonce aux membres du corps municipal de Toulon la prochaine publication d’un mémoire dans lequel il se propose de réfuter et de confondre « les feuilles incendiaires qui vont répandre dans tout le royaume les prétendues preuves de la conspiration de M. d’Albert[3]. » On jugera sans doute, après

  1. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet à la municipalité, du 14 décembre.
  2. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet, du 15 décembre.
  3. Archives de Toulon. — Lettre de Malouet, du 30 décembre.