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point essentiel en lumière : « Si nous avions été instruits des projets de vos aristocrates, comme nous sommes parvenus à découvrir ceux des noires, nous aurions pu, peut-être, présenter dans notre Mémoire le concert qui a régné entre eux par la conformité de leurs principes… Daignez nous tenir exactement informés de tout ce qui se passera chez vous, comme nous aurons soin de vous aviser de ce qui se passera ici[1]. » Brest riposte par un éloge de ce Mémoire, que la modestie de Toulon regrette de n’avoir pas su rendre plus probant. « Tous les faits réunis et supérieurement détaillés démontrent bien évidemment que Toulon a couru les plus grands risqués et qu’il ne fallait rien moins que votre fermeté, votre attachement à la cause de la patrie pour anéantir des projets aussi criminels que cachés… » Les « préparatifs » formés à Toulon par les ennemis de la liberté ont, « avec ceux que nous avons apperçus icy, une analogie frappante. » Enfin, la pensée se précisant de plus en plus, la formule définitive, terrible dans sa niaiserie, apparaît tout à coup, claire et tranchante comme un fer de hache : « Nous sommes tentés de croire qu’il y avait entre tous les commandans des ports une confédération destructive. » Aussi Brest se promet de faire bonne garde, car « la Révolution est avancée, mais elle a encore des ennemis qu’il faut combattre et éloigner[2]. » Toutes les dénégations, toutes les preuves accumulées de l’inanité du prétendu complot formé par la marine à Toulon n’y feront rien. Les officiers du corps des canonniers matelots, officiers non-nobles, ont beau protester contre l’imputation ridicule d’avoir voulu « détruire la ville de fond en comble » et s’écrier, avec un accent d’évidente sincérité : « Nous, complices et instrumens de la rage des aristocrates, pourriez-vous, messieurs, nous en soupçonner, nous jusqu’ici victimes et jouets de cette aristocratie ! .. Non, messieurs, nos commandans n’y comptaient pas, ils n’avaient pas même cherché à s’en assurer, nous avons à déclarer comme fausses toutes les déclarations contraires à notre assertion[3]. » Vainement encore, l’enquête ordonnée par la municipalité de Toulon, après les événemens du 1er décembre, cette enquête qui devait démontrer l’existence de ces fameux « préparatifs » de mort et de massacre, a piteusement

  1. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité de Toulon à celle de Brest, du 14 janvier 1790.
  2. Archives de Toulon. — Lettre de la municipalité de Brest à celle de Toulon, du 1er février 1790.
  3. Archives de Toulon. — Déclaration, du 4 décembre 1789, des officiers du corps royal des canonniers-matelots, à MM. les maire, consuls et membres du comité permanent de la ville de Toulon.