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aux officiers, de l’attroupement séditieux formé sur le « Champ de bataille, » des pierres lancées contre l’hôtel de la Marine, des sévices exercés sur M. de Broves, des coups de sabre donnés à M. de Bonneval, on a soin en revanche de stigmatiser sévèrement la conduite de M. de Saint-Julien, qui a « présenté un fer meurtrier à un peuple désarmé. » La garde nationale a pris les armes, mais c’est « autant pour se défendre contre les ordres qu’elle entend et sur la place et sur le balcon du commandant, que pour contenir le juste ressentiment auquel le peuple menacé pouvait se livrer. » Le rôle des officiers a été celui de provocateurs ; leur arrestation s’est faite, non par guet-apens, mais a à la clameur publique ; » enfin, s’ils ont été d’abord enfermés dans des cachots, c’est « pour satisfaire le peuple justement irrité des dangers qu’il venait de courir[1]. »

Ce procès-verbal fut porté, le jour même, par courrier extraordinaire, à MM. de Caraman, gouverneur de la Provence, et d’André, membre de l’assemblée nationale, délégué en qualité de commissaire du roi à Marseille. Ce dernier se rendit aussitôt à l’invitation qui lui était adressée de venir à Toulon, et il présida, le 7 décembre, une réunion générale des représentans de la commune où furent prises d’importantes résolutions. On décida, dans cette séance, d’expédier toutes les pièces réunies sur « l’affaire de la marine » à l’assemblée nationale, en particulier les résultats d’une enquête à laquelle avait procédé un comité de recherches, institué par délibération du 3 décembre. Est-il besoin de dire que cette enquête, faite en trois jours et dirigée par la municipalité elle-même, ne pouvait présenter de garanties ni d’exactitude ni d’impartialité ? .. « Parfaitement soumise, disait la lettre d’envoi, aux sages décrets de l’auguste assemblée que cette communauté se glorifie d’exécuter, elle attend, avec la plus vive impatience, que vous daigniez lui tracer la route qu’elle doit suivre dans les circonstances où elle se trouve. Nous sommes, nosseigneurs, vos très humbles, très obéissans et très fidèles serviteurs[2]. »

En attendant que l’assemblée eût statué sur leur sort, les officiers détenus devaient rester prisonniers. On a peine à comprendre que le commissaire du roi n’ait pas cru devoir protester contre la prolongation de cette détention, aussi manifestement illégale que l’avait été l’arrestation elle-même. Le commandant de la marine et ses compagnons demeurèrent donc au Palais de Justice sous l’étroite surveillance de la garde nationale, qui s’acquittait, avec un

  1. Le texte in-extenso de ce document e8t donné par Henry, t. 1er, p. 91 et suiv.
  2. Archives de Toulon. — Lettre du 7 décembre 1789, des représentans de la communauté de Toulon, à nosseigneurs de l’assemblée nationale.