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plus de 8 milliards, quand en France, par exemple, les compagnies prélèvent actuellement sur leurs recettes près de 90 millions pour amortir un capital qui n’est que de 20 pour 100 plus élevé que celui de la Prusse ? Dans quel état d’infériorité ne se trouvera pas ce dernier pays vis-à-vis de l’autre, lorsque la concession des réseaux français étant arrivée à son terme, et les charges de péage ayant disparu, les tarifs de ces réseaux n’auront plus à rémunérer que les seuls frais de transport ?

Ces considérations, bien que développées avec talent à différentes reprises par quelques membres du parlement prussien, notamment par M. Hammacher, n’ont pas été très écoutées tant que les chemins de fer, en prospérité continuelle, ont procuré des plus-values croissantes au budget général. Mais à partir de l’année 1890, la situation a changé ; tandis qu’en 1889-1890 les recettes du chemin de fer avaient dépassé les prévisions de 58 millions, et que le budget s’était soldé en excédent de 127 millions ; en 1890-1891, le réseau a donné une moins-value de 40 millions, et l’excédent du budget n’est plus que de 14 millions ; en-1891-1892, la moins-value est de 56 millions pour les chemins de fer et le budget général est en déficit de 30 millions : en trois ans celui-ci s’est ainsi affaissé de 150 millions !

Cet état de choses a ému le parlement, qui a compris la faute qu’il avait commise en tolérant cette application défectueuse de la lai de 1882 ; le rapporteur de la commission du budget, M. Tiedemann, a exposé dans les termes suivans les dangers de la situation et le moyen d’y porter remède :

« Au 1er avril 1893, nous aurons consacré en totalité 560 millions à l’amortissement de notre dette des chemins de fer, et nous aurons employé, sur les produits nets de l’exploitation, 750 millions à couvrir les dépenses courantes de l’État. Cette situation donne lieu à de graves réflexions : dans la commission, on l’a comparée à celle d’un commerçant qui aurait eu quelques bonnes années, pendant lesquelles il aurait tiré un gros intérêt de son capital, et qui aurait alors organisé sur cette base son état de maison et tout son genre d’existence. La conséquence forcée de cette façon d’agir est la misère quand arrivent les mauvaises années, et elles sont déjà à notre porte.

« On s’est alors demandé quel avait été essentiellement le but de la loi de garantie de 1882, et si son effet a bien été celui qu’on avait espéré et voulu. L’objet de cette loi devait être de mettre à part, dans les années prospères, le trop-plein des recettes, et de l’employer à amortir la dette, non pas à couvrir des dépenses fixes. Ce but n’a pas été atteint ; pourquoi ? La loi n’est-elle pas bonne