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lorsqu’elles doivent avoir effectivement pour conséquence un accroissement de trafic. Ici, ce ne serait pas le cas ; pour nombre de relations, la mesure proposée n’aurait d’autre effet que de causer une diminution de recettes au chemin de fer. Si l’on veut venir en aide aux contrées qui en ont besoin, il faut le faire, c’est du moins le sentiment de la commission du budget, par la création de tarifs exceptionnels là où c’est nécessaire. »

Cette déclaration n’a pas dû agréer beaucoup aux partisans de la tarification uniforme. Cependant, le même courant d’idées parait se retrouver dans le conseil supérieur des chemins de fer de Prusse. On sait que cette assemblée, dont les membres sont nommés par les ministres de l’agriculture, du commerce, des finances et des travaux publics est chargée d’assister l’administration dans l’étude des questions de chemins de fer, principalement en ce qui concerne les tarifs ; elle peut être considérée dans une certaine mesure comme le porte-parole des commerçans, des industriels et des Agriculteurs, dont les représentans entrent pour un tiers dans la composition du conseil. Or, on reproche à ce comité non-seulement d’observer une trop prudente réserve à l’égard des abaisserions de tarifs, mais même d’avoir des préférences pour le système de la classification des marchandises suivant leur valeur[1].

Ainsi inspirée, il n’est pas étonnant que l’administration des chemins de fer de l’État prussien se soit beaucoup écartée du programme de 1879. Nous ne voulons pas dire pour cela qu’elle n’ait rien fait depuis cette époque dans le domaine des tarifs, mais elle n’a procédé à aucune réduction générale, et elle a appliqué constamment les principes que nous venons d’entendre formuler par le rapporteur de la commission du budget et qui sont ceux d’une tarification purement commerciale. Peut-être même a-t-elle procédé plus timidement dans cette voie que ne l’eût fait une compagnie privée, gênée qu’elle était par les engagemens antérieurs, par les principes d’égalité absolue dont on avait fait montre en 1878 et dont on ne pouvait pas faire trop bon marché depuis, et enfin, comme nous le verrons plus loin, par la politique fiscale du gouvernement.

En fait, après les quelques dispositions complémentaires qui ont été introduites, en 1880, dans le système de tarification créé

  1. Dans une brochure récente (1890) intitulée : Erörterungen über die Gütertarife in Preussen, M. Schœller, député, s’exprime ainsi, non sans une certaine amertume : « On devait s’attendre à ce que le développement de la tarification fût poursuivi d’après le principe de la rémunération des dépenses et en conservant comme base fondamentale la capacité des wagons. Au lieu de cela, c’est l’ordre d’idées opposé qui a prévalu de plus en plus dans le sein du conseil des chemins de fer, et cette assemblée gouverne maintenant tout à fait dans la voie de la classification à la valeur. »