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Les céréales, au contraire, ne paraissent utiliser que l’azote combiné des nitrates ou des sels ammoniacaux, cela découle de nombreuses expériences concordantes ; mais si nous plaçons ces deux familles aux extrémités d’une longue liste comprenant toutes les autres espèces végétales, ne trouverons-nous pas à quelques-unes d’entre elles des propriétés qui les rapprochent des légumineuses ? En d’autres termes, les légumineuses sont-elles les seules plantes susceptibles d’utiliser l’azote atmosphérique, ou bien cette faculté existe-t-elle encore dans d’autres familles ? Les anciennes expériences de M. George Ville semblaient montrer que d’autres plantes que les légumineuses fixent l’azote de l’air, et tout récemment cette probabilité est devenue une certitude.

MM. Schlœsing fils et Laurent ont appliqué la remarquable méthode de recherche décrite plus haut, non-seulement aux légumineuses, mais aussi à d’autres espèces ; dans une première série d’essais on fit croître dans les vases renfermant une atmosphère limitée, rigoureusement mesurée, des topinambours, de l’avoine, du tabac et des pois. Plusieurs vases semblables à ceux qui avaient été ensemencés ne portaient aucune végétation. Dans une seconde série d’essais, à l’avoine et aux pois s’ajoutèrent de la moutarde, du cresson, de la spergule. Dans la première série d’essais, une fixation d’azote libre se produisit dans presque tous les cas. Elle fut sensiblement plus forte quand la culture porta sur les pois que lorsqu’on mit en observation d’autres espèces ; mais dans six expériences sur sept, le volume de l’azote gazeux diminua, et l’analyse décela dans les produits obtenus plus d’azote combiné qu’il n’en avait été introduit par les semences.

L’une des expériences était particulièrement intéressante, le sol n’avait pas été ensemencé, et cependant la fixation de l’azote avait été sensible. Or il s’était développé à la surface de la terre une quantité notable de petites plantes vertes, tandis qu’il n’y en avait guère sur deux autres sols non ensemencés, et qui n’avaient accusé qu’une fixation d’azote, insignifiante dans un cas, nulle dans l’autre.

En soumettant à l’analyse la terre adhérente à la croûte verte, on reconnut qu’elle renfermait en combinaison tout l’azote disparu ; il n’y en avait pas dans les couches plus profondes. En rapprochant ce résultat des essais dans lesquels on n’avait observé ni fixation d’azote, ni apparition d’algues vertes, on reconnaissait de plus que si une fixation d’azote avait eu lieu dans la culture de l’avoine et du tabac, le sol avait été dans ces deux cas couvert d’algues comme la terre nue. On était, dès lors, conduit à supposer que ces algues étaient l’agent de la fixation.

C’est pour vérifier cette hypothèse qu’on disposa une seconde série d’essais, dans laquelle on se débarrassa des algues, en