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cependant en opposition avec quelques observations de grande culture exécutées avec beaucoup de soins par divers observateurs. En 1873, MM. Lawes et Gilbert divisent en deux parties un champ bien homogène du domaine de Rothamsted ; sur l’une des moitiés on sème de l’orge, sur l’autre moitié du trèfle. La récolte de l’orge, soumise à l’analyse, accuse 41 kil. 7 d’azote, celle du trèfle 169 kil. 5 ; on prélève des échantillons de terre sur les deux champs. Il semble a priori que le sol qui a porté le trèfle doit être appauvri par les exigences de la récolte très azotée qu’il a fournie ; il n’en est rien. On dose, dans 1 kilo de la terre qui a porté l’orge, 1 gr. 450 d’azote combiné, tandis que 1 kilo du sol emblavé en trèfle en renferme 1 gr. 578. L’année suivante, les deux parties du champ sont l’une et l’autre ensemencées en orge ; la récolte obtenue sur la parcelle qui avait déjà porté de l’orge en 1873 renferme 43 kil. 8 d’azote, celle qui s’est développée sur la partie du champ qui l’année précédente avait porté du trèfle est infiniment plus abondante, elle contient 77 kil. 7 d’azote. Ainsi, bien que le trèfle renferme beaucoup plus d’azote que l’orge, il laisse le sol plus riche que la céréale, et cet enrichissement est non-seulement démontré par les dosages, mais aussi par la vigueur de la céréale qui succède à la légumineuse.

Au reste, toutes les expériences de laboratoire n’étaient pas négatives comme celles de Boussingault ; M. George Ville montrait aux auditeurs de ses cours, des cultures de pois, de haricots vigoureuses, bien qu’elles fussent venues sans engrais azoté. En Amérique, M. Atwater cultive des pois dans du sable calciné, mais soutient leur végétation avec des engrais minéraux et de petites quantités d’azotate de potasse. À la récolte, il trouve plus d’azote que n’en contenaient les graines et l’engrais ajouté, les plantes renfermaient un tiers ou même une moitié d’azote en plus de celle que renfermait l’engrais distribué. Même en cultivant du sarrasin, M. Joulie avait constaté également, dès 1885, des gains d’azote sensibles ; toutefois rien de décisif n’avait été publié quand M. Hellriegel communiqua au congrès des naturalistes de Berlin, en septembre 1886[1], les résultats de ses recherches. Le mémoire définitif dans lequel elles sont exposées ne parut cependant qu’en 1888.

Les expériences ont porté sur la végétation de diverses espèces, cultivées dans des vases de verre renfermant 4 kilos de

  1. M. Kayser, chef du laboratoire des fermentations, dirigé par M. Duclaux à l’Institut agronomique, a donné un résumé de cette mémorable communication dans le tome III des Annales agronomiques. Le mémoire, in extenso, traduit par M. J. Vesque, maître de conférences à la Faculté des sciences, a paru dans le tome XV du même recueil, sous les noms de MM. Hellriegel et Wilfarth.