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obtenir une récolte analogue à celle que fournit une bonne terre ordinaire ; comme le carbone, qui forme les quatre dixièmes environ du poids total de la récolte, ne figure dans les matières ajoutées au sable que sous forme d’acide carbonique, on est convaincu que cet acide est l’origine du carbone contenu dans les végétaux. La petite quantité d’acide carbonique contenue dans notre atmosphère suffit, en effet, à l’alimentation carbonée des plantes, qui décomposent l’acide carbonique, s’en assimilent le carbone et rejettent l’oxygène, aussitôt que leurs parties vertes, que les cellules à chlorophylle sont soumises aux radiations lumineuses.

La culture du blé en sable calciné ne réussit pas, si le sol ne renferme que des matières minérales, si on n’y ajoute pas un azotate, de l’azotate de chaux, par exemple ; quand ce sel fait défaut, la plante reste petite, chétive, elle meurt généralement avant d’avoir pu former des graines nouvelles ; cet azotate exerce une influence tellement décisive sur le développement de la plante que, lorsqu’il est distribué parcimonieusement, mais en doses croissantes, le poids de la récolte augmente régulièrement avec la quantité de nitrate employée[1].

Ces faits, notés par tous les observateurs, méritent une sérieuse attention. Il est curieux de constater que les végétaux utilisent les très minimes quantités d’acide carbonique que renferme notre atmosphère et que, malgré son abondance, l’azote, qui forme les quatre cinquièmes de l’air atmosphérique, paraisse ne pouvoir exercer aucune influence sur la croissance du blé. La plante dépérit, bien que sa tige s’élance dans cette atmosphère riche en azote, tant que sa racine ne trouve pas dans le sol l’azote combiné à l’oxygène et à une base et constituant un azotate.

Si cette expérience, répétée à bien des reprises différentes, démontre clairement que l’azote atmosphérique n’est pas directement utilisé, par le blé ou les plantes semblables, à la formation de leurs matières azotées, il n’est pas douteux cependant que l’azote atmosphérique ne contribue parfois, au moins d’une façon indirecte, à l’alimentation végétale. Cela ressort de toute évidence de la luxuriance des forêts tropicales, de la persistance pendant des siècles de la végétation herbacée des steppes, des grandes plaines herbues du continent américain : dans cette immense étendue qui commence seulement à être mise en culture, la terre, bien qu’elle n’ait jamais reçu aucun engrais azoté, présente une richesse en azote combiné, bien supérieure à celle que décèle l’analyse de nos terres cultivées, régulièrement fumées.

  1. Les expressions : nitrate ou azotate, désignent la même classe de sels, le nitrate ou azotate de potasse est souvent encore nommé nitre ou salpêtre.