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assistent et paraissent présider à tout. Ce détail de mœurs ne pouvait exister qu’en Grèce. L’éducation n’y était pas tendre, et les punitions corporelles faisaient partie des moyens d’enseignement du grammatiste. Certains avaient passé en Italie, où la rudesse romaine n’était pas faite pour en atténuer la rigueur. Dans une peinture d’Herculanum, on voit un enfant subissant le supplice des verges. Le maître frappe le dos nu du coupable, qui est placé sur les épaules d’un camarade ; un autre lui tient les pieds pour que le corps soit bien étendu. Cette peinture est le commentaire des vers d’Hérondas. Ils décrivent sommairement les procédés de correction qui s’y trouvent représentés. Ils contiennent, de plus, une vive image de la férocité du maître et des souffrances de l’élève. Le maître demande à grands cris le plus rude de ses fouets, « la queue de bœuf qui lui sert contre ceux qui sont entravés et mis à part. Vite ! qu’on le lui donne avant que la bile ne l’étrangle. » (Le Grec dit : « ne le fasse tousser. ») On pourrait croire qu’il fait la grosse voix pour faire peur à l’enfant. Celui-ci est bien réellement supplicié. Il a beau demander grâce, supplier par les muses et par la barbe du maître, multiplier les promesses : le supplice ne cesse que lorsque sa peau est « bariolée comme une couleuvre. » Et encore, il lui faudra recevoir, en plus, une vingtaine de coups lorsqu’il sera sur son livre, « quand même il lirait mieux que la muse Clio. »

Il y a un personnage plus barbare que le maître d’école ; c’est la mère. Elle ne se déclare pas satisfaite : « Non, ne t’arrête pas, Lampriscos ; écorche-le jusqu’à ce que le soleil se couche. » Quel est donc le crime du coupable ? Il existe aujourd’hui dans les rues de nos villes et de nos villages et il a dû exister dans les villes et les villages de l’antiquité beaucoup de criminels de son espèce. Il aime plus le jeu que l’étude et fait l’école buissonnière. Il est vrai qu’il pousse loin l’amour de la paresse et du vagabondage. Ce qu’il y a de plus grave, c’est qu’il joue, non pas seulement avec des osselets, mais avec des pièces de cuivre, et en compagnie de vauriens. Sa mère est désolée. C’est une femme du peuple pauvre, qui a pour mari un vieillard à peu près aveugle et sourd, et qui voulait faire instruire son fils dans l’espérance de trouver en lui un soutien pour ses vieux jours. Elle ne peut prendre son parti de sa déception ; elle pleure l’argent qu’elle donne au maître, et celui que lui coûte autrement encore un garnement qui ne promet rien de bon pour l’avenir. Il faut au moins qu’il soit châtié d’importance. Tout cela n’est pas exposé par l’auteur, mais ressort vivement du langage naturel de la brave femme. Le mieux est de l’entendre elle-même :


Que les chères muses te donnent du plaisir et t’accordent les biens