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une réception éclatante, quoique peut-être moins enthousiaste qu’à son premier voyagé, il y a quelques années. Guillaume II, en préparant sa seconde apparition à Rome, n’a-t-il eu d’autre mobile que de témoigner ses sympathies au roi Humbert, de faire honneur à l’amitié qui lie les deux souverains ? Il est bien possible qu’il y ait aussi de la politique dans ce voyage. Guillaume II, d’après toutes les apparences, aura tenu à réchauffer par sa présence et par ses démonstrations les sentimens italiens un peu refroidis depuis quelque temps pour la grande alliée ; il aura voulu donner une représentation nouvelle de la triple alliance, témoigner son intérêt pour l’armée italienne, pour la flotte italienne qu’il doit visiter. Rien ne manquera ni à Rome, ni ailleurs. Les Romains trouveront bien peut-être que les réceptions sont un peu coûteuses par ce temps de détresse financière ; mais ils seront dédommagés par le spectacle, par les revues, par les complimens, — et au pis-aller la visite impériale pourrait faire une diversion momentanée aux ennuis de cette éternelle crise des banques qui est devenue une crise parlementaire. Malheureusement les illuminations et les fêtes passeront. Les ennuis restent, et l’empereur Guillaume ne peut empêcher que cette triste affaire, compromettante pour bien des hommes publics, déjà fertile en incidens, ne reste une source d’embarras pour le ministère, pour le roi lui-même. Cette évocation un peu factice de la triple alliance à Rome n’est pas le remède à tous les maux intérieurs.

Telle est la marche des choses du temps que les préoccupations de diplomatie, de la triple ou de la quadruple alliance ne sont pas ce qui domine aujourd’hui dans les affaires de l’Europe. Il y a dans notre vieux monde assez de questions d’organisation, de progrès social qui ne cessent de s’agiter, qui passionnent les peuples et les parlemens. Il y a, en Angleterre, cette curieuse et émouvante campagne conduite par un vieillard, premier ministre de la reine, impatient de finir sa carrière par un grand acte d’équité nationale, de réparation libérale en faveur de l’Irlande. Avant de laisser ses chambres prendre leurs vacances de Pâques, M. Gladstone avait fait décider que la seconde lecture de son bill du home-rule serait le premier objet dont s’occuperait le parlement à son retour. Dès la fin de ces courtes vacances, en effet, ces jours passés, le bill du home-rule est revenu à la chambre des communes, et, cette fois, c’est M. Gladstone qu’on disait récemment encore malade, c’est M. Gladstone lui-même qui a ouvert la discussion par un de ces discours où il se retrouve tout entier avec son élévation d’esprit, sa dextérité et une ardeur qui ne vieillit pas. Il a réussi à rajeunir une question épuisée. Deux heures durant, il a captivé les communes par son éloquence, mettant tout son feu à exposer la grandeur morale de la réforme et tout son art à pallier les faiblesses de son projet. Il a d’avance réfuté victorieusement tout ce qu’ont pu lui opposer ses adversaires, sir Michaël Hicks-Beach, M. Chamberlain.