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qui, pour les anciens, indiquait à la fois la nature du mètre employé et le ton choisi par l’auteur.

La pièce la plus agréable est celle qui occupe la première place dans le recueil. Malgré le titre, l’Entremetteuse, et le sujet qu’il annonce clairement, elle est d’une délicatesse relative et inspire une certaine sympathie pour un personnage qui paraît vrai. Une jeune femme, Métricha, est restée seule dans sa maison, pendant que son mari est allé en Égypte, sans doute pour quelque négoce ; une vieille vient la trouver pour lui proposer un amoureux ; Métricha la repousse sans hésiter. Il y a dans le développement de ce petit thème un certain talent de mise en scène et d’exposition, des esquisses de caractères et des traits de mœurs qui ne manquent pas d’intérêt. Le début est un souvenir du début des Syracusaines. De même que dans cette idylle, on assiste à l’arrivée d’un des deux personnages principaux :


Métricha : Thressa, on frappe à la porte. Vois s’il ne nous arrive pas quelqu’un de la campagne. — Thressa : Qui frappe ? — Gyllis : C’est moi. — Thressa : Qui, toi ? Tu crains d’approcher ? — Gyllis : J’approche, me voici. — Thressa : Qui es-tu ? — Gyllis : Gyllis, la mère de Philænium. Va m’annoncer à Métricha ; appelle-la. — Métricha : Qui est-ce ? — Thressa : Gyllis. — Métricha : La mère Gyllis. Tourne les talons, esclave. Quel hasard, Gyllis, t’a décidée à venir chez nous ? Pourquoi es-tu aussi rare qu’une épiphanie ? Par les Parques, voilà bien cinq mois, je pense, qu’on ne t’a vue même en songe à cette porte. — Gyllis : J’habite loin, mon enfant…


Le rapport avec le commencement des Syracusaines est sensible.


Gorgo : Praxinoa y est-elle ? — Praxinoa : Chère Gorgo, comme tu viens tard ! J’y suis. C’est merveille que tu arrives même maintenant ! Allons, un siège, Eunoa. Ici. Mets-y un coussin. — Gorgo : C’est très bien comme cela. — Praxinoa : Assieds-toi. — Gorgo : Oh ! ma pauvre vie ! C’est à grand’peine que je vous l’ai sauvée, Praxinoa. Quelle foule ! .. Et cette route est interminable…


Dans les deux pièces, le poète met en scène les détails de l’arrivée, les politesses de l’accueil, les fonctions de l’esclave, les excuses de l’arrivante. Les personnages sont différens, et leur ton diffère aussi. Il est à remarquer que la vieille Gyllis est reçue avec une bienveillance affectueuse dont elle va se montrer peu digne. M. Weil suppose qu’elle est la nourrice de Métricha, et cette supposition, suggérée par un sens que peut avoir un mot du texte, ne répugnerait pas au rôle qui est attribué aux nourrices dans le