lamentas sa mort si douloureusement, que n’ai-je ton verbe et ton éloquence pour apostropher le vendredi comme tu as fait ! » Grand émoi dans la basse-cour, et ici un tableau charmant de vivacité : « Au renard ! au renard ! » Tout le monde crie, hurle, court ; les chiens aboient, « en fuite la vache et le veau, et les cochons même. » Les canards crient, « les oies s’envolent de peur jusque par-dessus les arbres, » et les abeilles sortent des ruches. On délivre le prisonnier, qui sera plus prudent une autre fois ; et l’ordre règne de nouveau dans les États de Chanteclair.
À côté de cette histoire d’animaux, d’élégantes histoires de la Table-Ronde, empruntées « aux lais des gentils Bretons, » qui nous reportent au a bon vieux temps du roi Arthur, » alors que « la reine des fées et sa suite joyeuse dansaient dans les prés verts, » des légendes orientales que nous contera le jeune écuyer, avec des enchantemens, des miroirs magiques, un cheval de cuivre qui transporte son cavalier à travers les airs, ici ou là, selon qu’on tourne une cheville qu’il a dans les oreilles, ancêtre de Chevillard le léger que monta don Quichotte ; des aventures tragiques d’Appius et Virginie, de César, de Néron, d’Holopherne, d’Hugolin dans la tour de la faim, empruntées à l’histoire romaine, à la Bible et à Dante ; des aventures de chevalerie, où figure Thésée, duc d’Athènes, où le sang monte à la cheville des héros, avec toutes les digressions et tous les embellissemens qui plaisaient encore aux seigneurs et aux dames ; et c’est pourquoi l’histoire est racontée par le chevalier, et Chaucer y laisse exprès tous les défauts du genre : à l’inverse de ses autres récits, il se contente ici de prêter un peu de vie à des miniatures de manuscrits.
Les personnages recueillis racontent des histoires recueillies, semblables à des cantiques ou à des sermons, colorées d’une lumière de vitrail, parfumées d’encens, accompagnées d’une musique d’orgue : histoire de la pieuse Constance, de sainte Cécile, d’un enfant tué par les Juifs, dissertations de dame Prudence (récit d’un ennui rare et que Chaucer s’attribue modestement à lui-même), histoire de la patiente Grisélidis, discours du pauvre curé. Nous étions tout à l’heure à l’auberge ; maintenant nous entrons à l’église ; on aimait au moyen âge les couleurs tranchées, les contrastes nets. Les teintes passées qu’on a vues à la mode depuis, mauve, crème, vieux rose, n’attendrissaient personne ; et nous savons que Chaucer, quand il était page, avait un superbe costume dont une jambe était rouge et l’autre noire ; le rire était inextinguible et rejaillissait en ricochets indéfinis ; les désespoirs étaient sans mesure ; le sens précisément de la mesure manquait ; ce fut